L’oiseau migrateur n’a plus été observé depuis 1996 au Maroc, en dépit de larges recherches menées depuis.
Il s’agirait de la première fois qu’un oiseau continental est considéré comme éteint en Europe.
À partir de quand considère-t-on qu’une espèce a réellement disparu ?
TF1info s’est posé la question.

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Notre planète

Vous ne le verrez sûrement plus. Selon une étude publiée le 17 novembre dernier, le courlis à tête grêle est probablement éteint, a indiqué dans un communiqué publié jeudi la Ligue de protection des oiseaux (nouvelle fenêtre). Le volatil n’a pas été aperçu avec certitude depuis 1995 au Maroc, en dépit de larges recherches lancées pour tenter de connaître son sort. Si cette disparition se confirmait, il s’agirait de la première disparition d’un oiseau continental dans la zone regroupant Europe, Afrique du Nord et Asie occidentale.

Le document qui fait référence dans ce domaine et devrait confirmer cette disparition, c’est la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (nouvelle fenêtre) (UICN). Chaque année, elle dresse l’état de conservation des espèces et les classe de « Préoccupation mineure » à « En danger critique » d’extinction ou « Éteinte ». Dans le document, sur les 166.000 espèces de plantes, champignon ou animaux étudiés depuis les années 1500, 926 sont déclarées comme « éteintes ». « Nous sommes très précautionneux dans ce domaine et le chiffre est probablement sous-estimé », prévient auprès de TF1info Florian Kirchner, responsable du programme espèces au sein de l’UICN. 

Des années pour confirmer

L’organisme classe une espèce comme « éteinte » lorsque « toutes les prospections jugées nécessaires ont été menées dans toute la zone de répartition où l’espèce était connue, avec toutes les bonnes techniques d’observation de l’espèce et à toutes les périodes de l’année où on peut l’observer » et que « malgré tous ces efforts, l’espèce n’a pas été observée et les experts ont acquis la quasi-certitude que l’espèce a disparu ».

Photo de spécimens de tigres de Tasmanie – TASMANIAN MUSEUM AND ART GALLERY / AFP

Une méthode utilisée, par exemple, pour le Tigre de Tasmanie déclaré comme « éteint » des décennies après sa dernière observation en 1935. Par ailleurs, dans la catégorie des espèces « en danger critique », certaines peuvent être classées « possiblement éteintes » sans que leur statut soit confirmé. C’est le cas pour le dauphin du Yangtsé, en Chine, aussi appelé Baiji. La dernière observation de ce mammifère remonte à 2002, « cela fait plus d’une vingtaine d’années, mais les experts considèrent qu’il faut attendre encore un peu avant de le déclarer éteint puisque l’on considère que certaines zones où il pourrait se trouver restent encore à explorer », détaille Florian Kirchner. La Chine, elle, le considère bien comme éteint.

Si l’UICN est si précautionneux, c’est que déclarer une espèce disparue a de lourdes conséquences : « Une fois qu’elle est éteinte, il n’y a plus rien à faire, les politiques de conservation s’arrêtent », prévient le responsable du programme espèces de l’UICN. Concernant le courlis à bec grêle, son cas va être étudié lors de la prochaine évaluation des oiseaux (nouvelle fenêtre) « et nous verrons si les informations sont suffisamment probantes pour le déclarer éteint ou s’il existe un doute suffisamment sérieux pour le conserver en ‘danger critique’. La décision sera prise par un panel d’experts ».

Intervenir avant qu’il ne soit trop tard

Par ailleurs, pour d’autres espèces, la situation peut paraître floue, par manque de données ou d’observation. « S’assurer qu’un papillon est éteint dans une immense forêt tropicale n’est pas une tâche aisée », avance Florian Kirchner. Il est également arrivé que des espèces déclarées éteintes… ressurgissent soudainement. C’est le cas de petites grenouilles arboricoles comme la grenouille marsupiale cornue, réapparue dans une forêt de l’Équateur alors qu’on la pensait disparue.

Si la nouvelle peut réjouir, cela ne signifie pas pour autant que l’espèce est sauvée. « Ces espèces qui réapparaissent se trouvent en très faibles effectifs, et souvent, cela n’a pas grand intérêt. Pour une espèce animale, lorsque l’on atteint une centaine de reproducteurs, on sait qu’il va être difficile de la maintenir, détaille Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS. Car avant l’extinction, on a un effondrement des populations et à partir de là, il est extrêmement difficile de sauver une espèce ».

D’où l’importance d’agir le plus rapidement possible pour tenter de sauver des animaux en danger. Si certaines espèces ont connu un redressement spectaculaire de leurs populations comme le castor d’Europe ou le bouquetin dans les Alpes, l’investissement pour sauver tous les insectes, plantes, poissons ou de mammifères au bord de l’extinction est bien trop important. « Nous avons plein d’espèces déjà éteintes, mais l’IPBES (l’équivalent du Giec pour la biodiversité, NDLR) a également alerté sur ‘un million d’espèces à risque d’extinction’, des espèces pour lesquelles il n’est pas trop tard, c’est un risque, mais ce n’est pas encore arrivé, on peut encore agir », conclut le scientifique.


Annick BERGER

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