Les procès d’attentats terroristes suscitent parfois un sentiment d’étrangeté pendant les premiers jours d’audience, consacrés à la personnalité des accusés. On y évoque leur enfance, plus ou moins douce, leur scolarité, souvent chaotique, la passion de l’un pour la moto, la petite amie d’un autre, un stage chez Darty, etc., en prenant soin de ne jamais aborder le fond du dossier. Ce cloisonnement des débats peut provoquer, à l’occasion, une impression de décalage entre le profil de certains accusés et l’extrême gravité des faits qui leur sont reprochés.

Cette dissonance troublante, toute l’assistance l’a ressentie, mardi 5 novembre, au deuxième jour du procès de l’assassinat du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty, avec le début de l’examen des parcours de vie des huit accusés renvoyés devant la cour d’assises spéciale de Paris. En l’absence de l’assassin, Abdoullakh Anzorov, un réfugié tchétchène de 18 ans tué par des policiers quelques minutes après l’attentat, le 16 octobre 2020, ce sont deux de ses amis qui ont ouvert cette séquence.

Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov avaient 18 et 19 ans au moment des faits. Quelques mois avant l’attentat, ces deux lycéens au parcours scolaire médiocre venaient d’obtenir leur bac pro à Evreux, où ils ont grandi. Voilà quatre ans qu’ils dorment en prison dans l’attente de ce procès.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Ce qui est reproché aux huit accusés du procès de l’assassinat terroriste de Samuel Paty

Ce sont eux qui encourent la peine la plus lourde : la réclusion criminelle à perpétuité pour « complicité d’assassinat terroriste ». Il leur est notamment reproché d’avoir aidé le terroriste à acheter le couteau qui a servi à décapiter Samuel Paty.

« Introverti »

Avec son visage fin et son pull blanc torsadé, Naïm Boudaoud ressemble à un oiseau tombé du nid. Décrit par l’enquêtrice de personnalité comme « introverti », au point que ses parents ont d’abord cru qu’il était autiste, il est né très « chétif » et en a nourri, au fil des années, un profond complexe.

Naïm Boudaoud a grandi dans un certain confort matériel et affectif. Ses parents, deux fonctionnaires diplômés d’origine algérienne, ont veillé à ce qu’il ne manque de rien. Il était ainsi l’un des rares jeunes de son quartier à posséder une auto : « Je suis fan de voiture et de moto depuis tout petit et j’ai eu la chance d’avoir une Golf 7 », se targue-t-il de sa voix frêle. Une « chance » qui le conduira dans le box des accusés.

Lire aussi notre enquête : Article réservé à nos abonnés L’enquête sur l’assassinat de Samuel Paty retrace la « chronique d’une mise à mort », le parquet demande un procès pour quatorze personnes

Un jour, vers l’âge de 17 ans, Naïm Bouadaoud a fait la rencontre, à Evreux, d’Azim Epsirkhanov, un réfugié tchétchène d’un an son aîné. Arrivé en France à 9 ans avec ses parents pour fuir la guerre, ce dernier est aussi costaud que Naïm est fluet. Naïm vient d’être victime d’une agression ; Azim lui propose de régler son « embrouille ». Aucun des deux nouveaux amis n’est radicalisé. Ils viennent tous deux de familles de culture musulmane où la pratique religieuse est presque inexistante.

Il vous reste 50.63% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version