Donald Trump envisage de vider la bande de Gaza de sa population et d’en faire un territoire « contrôlé » par les États-Unis pour régler le conflit entre le Hamas et Israël.
Un projet qui, même s’il reste à prendre avec des pincettes, peut susciter de vives inquiétudes.
Les explications de Didier Billion, directeur adjoint de l’Iris.

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Un accord de trêve à Gaza enfin trouvé

La bande de Gaza peut devenir « la Côte d’Azur du Moyen-Orient ». C’est en tout cas l’avis de Donald Trump qui, en accueillant Benyamin Nétanyahou mercredi à la Maison-Blanche, a affiché sa volonté de prendre « le contrôle » de ce territoire palestinien. Un projet irréalisable ? Probablement, tant les obstacles semblent nombreux. Ces propos sont néanmoins à prendre au sérieux, comme l’explique à TF1info Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

Faut-il prendre au sérieux le projet du président américain concernant Gaza ?

On commence à avoir l’habitude de ce genre de déclarations de sa part, même si je pense qu’un nouveau cran a été franchi. C’est la volonté de s’affranchir du droit international, de briser tout ce qui peut encore contribuer à réguler le fonctionnement des relations diplomatiques. Il quitte l’OMS, veut réduire l’ONU à sa plus simple expression…Là où ces propos sont le plus inquiétant, c’est qu’ils font écho avec les positions d’une bonne partie du gouvernement israélien, composé notamment de l’extrême droite et des suprémacistes juifs.

Il faut toujours prendre au sérieux ce que dit Donald Trump, même si cela ne se réalise pas. Sur Gaza, cela correspond fondamentalement à sa perception, une conviction qui est la sienne : on peut résoudre le conflit israélo-palestinien sans demander leur avis aux Palestiniens. Il avait déjà voulu agir ainsi lors de son premier mandat, avec son « deal du siècle » préparé par son gendre, Jared Kushner. Il n’a jamais été appliqué, Trump ayant été battu en 2020. Mais il y avait déjà cette logique à l’époque. Il refait des déclarations fracassantes sans pouvoir réaliser son projet.

Le processus actuel concernant le cessez-le-feu est très fragile.

Didier Billion

Pourquoi ?

La Jordanie et l’Égypte ne veulent pas accueillir de réfugiés palestiniens. Lors du voyage d’Antony Blinken en 2023, après les attaques du 7-Octobre, il avait suggéré au président Sissi de récupérer les habitants de Gaza avant d’essuyer un non catégorique. Le président égyptien sait parfaitement – outre que la situation économique de son pays est très préoccupante – que la charge de centaines de milliers de Palestiniens aurait été compliquée. Que leur présence dans le Sinaï, une zone instable, est impossible. Il ne veut pas rajouter du désordre au désordre. Sissi, comme tous les autres dirigeants arabes, a par ailleurs parfaitement retenu une leçon de l’histoire depuis 1948 : quand des réfugiés palestiniens arrivent dans un pays, ils n’en partent pas, car on ne leur offre aucune solution politique. 

Enfin, les Palestiniens s’accrochent eux-mêmes à leur terre, parce qu’ils savent aussi que, lorsqu’ils la quittent, ils n’y reviennent pas. Tous ces éléments montrent que les déclarations à l’emporte-pièce de Trump restent en décalage avec la réalité, même si elles sont à prendre au sérieux.

La sortie du président américain peut-elle remettre en cause l’accord entre le Hamas et Israël, en particulier s’agissant des otages et des prisonniers palestiniens ?

Le processus actuel concernant le cessez-le-feu est très fragile. Les bombardements peuvent reprendre d’un jour à l’autre. Il ne faut pas oublier que, outre la trêve à Gaza, ce qui se passe en Cisjordanie est à surveiller : il y a un déchainement de violences, notamment dans la ville de Jénine. Les Israéliens profitent de toutes les possibilités pour mener à bien leurs projets de destruction de toute vie sociale à Gaza et continuer à procéder à l’annexion en Cisjordanie. Donald Trump le sait parfaitement, cela correspond à ses projets et ceux de son entourage qu’il a nommé dans son administration.

Au fond, son approche du dossier n’est-elle pas d’avantage économique que géopolitique ? Il a lui-même évoqué tout de suite la reconstruction du territoire. 

C’est une logique transactionnelle. Il a fait la même chose en parlant de l’exploitation des terres rares en Ukraine en contrepartie de son soutien. Certes, c’était initialement une idée de Volodymyr Zelensky. Mais il a repris cela à la volée. C’est une logique qui a ses limites : les relations internationales ne peuvent pas se réduire seulement à un tel processus. C’est la limite de Donald Trump : cela ne peut pas fonctionner dans la réalité. Il y a toute une série d’obstacles qui peuvent se poser sur son chemin.


Thomas GUIEN

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