Pour protéger les intérêts patrimoniaux de l’enfant en gestation dans le corps de sa mère, le droit romain a prévu que ce dernier « sera considéré comme né chaque fois qu’il pourra en tirer avantage » : si son intérêt le commande, on fera comme s’il existait.
A cette fiction juridique, le code civil (article 725) a substitué le principe selon lequel « pour succéder », il faut soit « exister à l’instant » du décès du père, soit avoir été « conçu ». Mais il n’a pas défini la conception.
Or cette définition devient nécessaire si l’enfant est issu d’une procréation médicalement assistée (PMA) post mortem (interdite en France), comme le montre l’affaire suivante. En 2018, M. X, père de deux enfants majeurs, A et B, se marie. En 2019, M. X et son épouse, alors âgée de 44 ans, vont en Espagne bénéficier d’une PMA. La fusion de leurs gamètes respectifs permet de créer huit embryons ; deux sont transférés dans l’utérus de Mme X, et les autres congelés.
Huit mois plus tard, une fille, C, voit le jour. Mais son père meurt brutalement. Le notaire prévoit de partager la succession en quatre parts égales, lorsqu’une cinquième héritière s’annonce. Mme X a, en effet, comme l’y autorise la loi espagnole, et comme le souhaitait son époux, utilisé, dans le délai de douze mois après le décès, deux des embryons congelés, et s’apprête à mettre au monde une autre fille, D.
Diminution de 6,25 %
Les enfants du premier lit saisissent la justice, pour faire juger que cette demi-sœur n’a pas la qualité de successible, parce qu’elle n’était pas « conçue » à la mort de leur père : la conception, selon eux, correspond au transfert de l’embryon, qui permet la grossesse. La faire correspondre à la création de cet embryon (et rendre D successible) reviendrait à contourner l’interdiction française de l’insémination post mortem édictée par le code de la santé publique (article L. 2141-2).
Me Catherine Clavin, avocate de Mme X, répond qu’il faut, comme dans l’adage romain, envisager la conception à l’aune de l’intérêt supérieur de l’enfant, donc juger qu’elle correspond à la création de l’embryon. La dater du transfert constituerait une discrimination fondée sur la naissance, interdite par la Convention européenne des droits de l’homme (article 14).
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