« Quelle autorité instruira cette alerte ? » C’est avec un trait d’amère ironie que Denis Zmirou-Navier conclut le courrier qu’il a adressé, lundi 4 novembre, à plusieurs associations de défense de l’environnement et de la santé publique. Le président de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE), théoriquement chargée d’instruire les signalements de lanceurs d’alerte, lance lui-même l’alerte sur la situation de l’institution qu’il préside depuis huit ans. Ce professeur de santé publique estime que la CNDASPE – connue pour sa liberté de ton et d’action – a « perdu son indépendance », ses missions ayant été « unilatéralement rognées » par son autorité de tutelle, le ministère de la transition écologique.
En cause, la capacité de la commission à recueillir des informations confidentielles et à garantir l’anonymat des lanceurs d’alerte. Selon M. Zmirou-Navier, « la CNDASPE ne peut plus recevoir ni saisine ni signalement via sa plateforme en ligne », désactivée à l’été 2024 par l’administration. « Après plusieurs messages de protestation, j’ai formellement annoncé lors de notre réunion plénière du 17 octobre que, à défaut de réactivation de notre outil de télédéclaration et modification des pages indûment altérées avant fin octobre, je lançais une alerte publique », explique-t-il.
Pour l’administration, cette mise hors ligne de la plateforme de signalement est rendue nécessaire par « la récente réforme européenne et la loi dite Waserman » de 2022 sur les lanceurs d’alerte, dont le décret d’application liste les autorités habilitées à traiter les alertes. « Depuis lors, explique-t-on au ministère de la transition écologique, la CNDASPE ne fait plus partie des autorités habilitées à recevoir les signalements des lanceurs d’alerte. » Le ministère confirme ainsi que le système de recueil des alertes a « effectivement été substitué par des liens vers les autorités compétentes et, ce, après de multiples échanges sur le sujet ».
« Une atteinte à la liberté d’expression »
Pour le ministère, ce nouveau fonctionnement permet « une saisine au plus tôt », auprès de « la bonne autorité ». Pour les questions d’environnement, celle-ci est l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD). Pour les sujets de santé publique, ce peut être l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), la Haute Autorité de santé (HAS) ou encore le Conseil de l’ordre des médecins, etc.
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