L’Europe est aussi un archipel. Elle compte, suspendues au large du tracé familier de ses côtes, une myriade de petites îles où il peut arriver qu’incidemment l’histoire s’écrive. Le caillou volcanique de Ventotene, sorti des flots de la mer Tyrrhénienne à 25 milles marins au large de la Campanie, en fait partie. C’est même sur sa surface désolée de 1,5 kilomètre carré qu’a germé une certaine idée de l’Europe. Une idée italienne.

Point de fixation de calmes colonies de pêcheurs et lieu de relégation depuis l’Empire romain, l’île a été utilisée par le régime de Benito Mussolini pour éloigner des esprits réputés dangereux. Des centaines de prisonniers privés de liberté y ont ainsi formé une petite société antifasciste sous contrainte, sans que leurs geôliers réussissent tout à fait à les empêcher de penser. Si bien qu’en 1941, alors que la guerre ravageait le continent, deux d’entre eux, le libéral Ernesto Rossi (1897-1967) et l’ancien communiste en rupture de ban Altiero Spinelli (1907-1986), y ont écrit clandestinement, sur du papier à cigarettes, un texte considéré comme fondateur du fédéralisme européen, le Manifeste de Ventotene.

Antitotalitaire, antiraciste, attentif au sort des minorités, il prônait une révolution continentale contre les nationalismes et les oligarchies économiques pour aboutir à la construction, une fois le IIIe Reich vaincu, d’une Europe unifiée et démocratique dotée de sa propre armée.

Un manifeste qui reste une référence

Aujourd’hui encore, le manifeste reste une référence obligée dans les cercles pro-européens en Italie, même si celle-ci n’est pas du goût de la présidente du conseil, Giorgia Meloni. « Je ne sais pas si c’est votre vision de l’Europe, mais ce n’est certainement pas la mienne ! », a-t-elle ainsi lancé à ses opposants, le 19 mars, devant la représentation nationale, lors d’un débat sur le positionnement de l’Italie dans la crise transatlantique en cours, laissant entendre que l’idée d’une Europe fédérale était par vocation liberticide.

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