Voitures, vin, produits de luxe… Des secteurs essentiels de l’économie européenne vont être concernés par des droits de douane américains de 15 %, selon l’accord annoncé dimanche 28 juillet par le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
L’accord de Turnberry confirme que les échanges transatlantiques sont entrés dans une nouvelle ère, celle d’un protectionnisme américain décomplexé. Jusqu’au retour au pouvoir de Donald Trump, ils étaient marqués par un niveau de droits de douane américains de 4,8 % en moyenne.
L’accord-cadre entre l’Union européenne et les Etats-Unis reste cependant encore flou. Voici ce qu’on en sait à ce stade :
Jusqu’ici exemptés de droits de douane, ils ne bénéficieront pas de traitement particulier, a prévenu Donald Trump dimanche, sans toutefois donner davantage de précisions. Selon Mme von der Leyen, les produits pharmaceutiques sont couverts par les droits de douane américains de 15 %, alors même que M. Trump avait fait savoir, lors des premiers échanges entre les deux dirigeants, qu’il ne souhaitait pas les inclure dans l’accord.
Les produits pharmaceutiques sont les produits aujourd’hui les plus exportés depuis l’Europe vers les Etats-Unis, pour près de 120 milliards d’euros en 2024 (22,5 % du total des biens exportés), selon Eurostat.
La taxation de l’automobile européenne redescend à 15 %, au lieu de 2,5 % avant l’administration Trump 2 et contre 27,5 % depuis avril. Près de 70 milliards d’euros d’équipements de transport ont été exportés par des sociétés européennes aux Etats-Unis en 2024. L’industrie automobile y a vendu près de 750 000 voitures pour 38,5 milliards d’euros, selon l’Association européenne des constructeurs (ACEA).
L’Allemagne en produit la majorité, notamment des berlines, SUV et sportives premium de chez Audi, Porsche, BMW, Mercedes. Pour le secteur, l’accord de dimanche est une amélioration. Après la surtaxe de 25 %, les livraisons de Volkswagen avaient reculé au premier semestre.
L’accord annoncé dimanche prévoit de ramener à zéro les taxes sur les équipements d’aéronautique, selon Ursula von der Leyen.
Les droits de douane américains pesaient lourd sur ce secteur très mondialisé. Depuis mars, une surtaxe de 50 % s’appliquait sur les importations d’aluminium et d’acier, matériaux phares de l’aéronautique. Et l’ensemble des équipements (dont les avions) importés d’Europe devaient s’acquitter d’une surtaxe de 10 %.
Le luxe ne devrait a priori pas faire l’objet d’un régime d’exception, les 15 % devraient donc s’appliquer.
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Ces dernières semaines ont vu Bernard Arnault, patron du géant français LVMH, se démener pour limiter les surtaxes, auprès des dirigeants européens comme de Donald Trump. Pour LVMH, un droit de douane de 15 % « serait un bon résultat », avait estimé jeudi sa directrice financière. Le groupe pense pouvoir compenser en augmentant ses prix et en optimisant sa production, notamment aux Etats-Unis. Le numéro un mondial du luxe a annoncé l’ouverture d’un quatrième atelier Louis Vuitton, au Texas.
En mai, son concurrent François-Henri Pinault, du groupe Kering qui détient Gucci ou Balenciaga, avait lui déclaré que « ça n’aurait pas de sens d’avoir des sacs Gucci italiens fabriqués au Texas ».
Les cosmétiques de marques françaises et italiennes sont aussi très vendus aux Etats-Unis : en 2024, L’Oréal y a réalisé 38 % de son chiffre d’affaires. Son directeur général évoquait en avril la possibilité d’y relocaliser une part de la production.
« Certains produits agricoles » seront exemptés de taxation à 15 %, a dit Ursula von der Leyen. Mais aucune précision n’a été fournie dimanche soir. Certains produits alimentaires comme les fromages et la conserverie forment un poste d’exportation européen majeure.
Aucune décision ne concerne les vins et les spiritueux dans le cadre de l’accord, et les détails seront réglés dans les semaines à venir.
En 2024, l’UE a exporté pour 8 milliards d’euros d’alcools, dont plus de 5 milliards de vins, aux Etats-Unis, son premier marché à l’exportation.
La France représente environ la moitié : 2,4 milliards d’euros de vin et 1,5 milliard de spiritueux ont été écoulés aux Etats-Unis (environ 25 % de ses exportations). Pour l’Italie, c’est environ 2 milliards d’euros de vin exportés. La Suède écoule aux Etats-Unis sa vodka, l’Irlande son whisky…
Les vins de Bordeaux par exemple y réalisent 20 % de leur chiffre d’affaires. « A 10 % ou 15 % [de droits de douane, ndlr], on trouvera des solutions », expliquait Philippe Tapie, président de Bordeaux Négoce, avant l’annonce de dimanche. Mais « à 30 %, non. C’est la fin de l’histoire », craignait-il.
L’acier et l’aluminium américains, jusque-là protégés par 50 % de droits de douane sur les produits concurrents entrant dans le pays, même provenant du Canada et du Mexique, pourraient faire l’objet de négociations distinctes. L’accord conclu dimanche n’a pas tranché cette question.
L’Union européenne s’est également engagée dans le cadre de cet accord à procéder à des achats stratégiques d’une valeur de 750 milliards de dollars (environ 640 milliards d’euros), couvrant le pétrole, le gaz naturel liquéfié (GNL), le nucléaire, les carburants et les puces, durant le mandat de Donald Trump
La Commission européenne n’a cependant pas de pouvoirs réels dans ces domaines. Elle ne peut pas passer de commandes sur les marchés pétroliers et gaziers. Si elles se traduisent par une hausse des achats de gaz naturel liquéfié américain, ces promesses pourraient en outre mettre en péril les ambitions climatiques européennes. La Commission ne peut pas non plus effectuer des investissements en lieu et place des entreprises.
L’UE s’est également engagée à investir sur cette période 600 milliards de dollars aux Etats-Unis et à acheter des équipements militaires américains pour quelques « centaines de milliards de dollars « , selon Donald Trump.
L’Union européenne avait donné son feu vert, jeudi 24 juillet, à une série de mesures de rétorsion commerciale visant les Etats-Unis. Cette réponse, chiffrée à 93 milliards d’euros, devait s’appliquer à partir du 7 août si aucun accord n’était trouvé avec Washington sur la question des droits de douane. Pour le moment, ces contre-mesures ne seront donc pas appliquées.
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