Il arrive (hélas) qu’un avocat omette de dire à son client qu’il risque tel dommage s’il prend telle décision. Le client qui, après avoir pris ladite décision, subit ledit dommage, ne peut demander l’indemnisation de celui-ci auprès des tribunaux.
En effet, juridiquement, le lien causal entre l’omission du professionnel et la survenue du dommage est considéré comme incertain, au motif que le client, même correctement informé, aurait pu s’en tenir à la décision litigieuse.
Le client ne peut que se plaindre d’une « perte de chance d’éviter le dommage », dont l’indemnisation sera toujours inférieure au montant du dommage. Si, néanmoins, il réclame la seule réparation du dommage, que doit faire le juge ? Telle est la question que pose l’affaire suivante.
En 2014, la société Unipâtis, spécialisée dans la production d’ingrédients de pâtisserie, licencie pour faute son chef de fabrication, M. X, sans que son avocat, Me Y, lui conseille de lever une clause de non-concurrence qui l’oblige à verser deux ans de salaire à M. X, alors qu’elle est en difficulté.
En 2020, elle assigne Me Y pour défaut de conseil. Son nouvel avocat demande qu’il soit condamné à payer le total de l’indemnité de non-concurrence versée à M. X. La cour d’appel de Versailles en déduit qu’il « exclut » l’indemnisation de la perte de chance (seule indemnisable). Bien qu’elle constate « la faute » de Me Y, elle refuse toute réparation.
Entre 1 % et 99 %
Unipâtis se pourvoit en cassation, et son troisième conseil, Me Vincent Rebeyrol, soutient que « le juge qui requalifie le préjudice invoqué par la victime ne peut refuser d’indemniser une perte de chance dont il constate l’existence, sans commettre un déni de justice », comme le juge la Cour de cassation, depuis le 17 juin 2015 (14-17.740).
Las, la première chambre civile désire abandonner cette jurisprudence. Le premier président de la Cour de cassation, Christophe Soulard, soumet alors le pourvoi à l’assemblée plénière, où sont représentées toutes les chambres. Lors d’une audience filmée, Me Rebeyrol affirme que la jurisprudence doit être conservée, parce que « le demandeur, s’il ne peut obtenir 100, souhaite évidemment obtenir 50 plutôt que 0 ».
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