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En matière éducative, le consensus mou est facile à trouver. On s’entendra sans peine pour affirmer énergiquement qu’il faut respecter les enseignants, qu’il faut renforcer le socle commun de connaissances, qu’il faut que les jeunes s’épanouissent à l’école, tout en se préparant bien pour les études supérieures et leur future insertion sur le marché du travail. « Il faut », « y a qu’à »… Très vite, cela va se gâter quand il faudra donner un contenu concret à la politique éducative.
L’angélisme de la gauche trouve son origine dans l’idée que tous les élèves peuvent être excellents si l’institution scolaire s’y prend bien avec eux. Elle doit ôter de leur chemin tous les obstacles ou difficultés que l’on peut rencontrer dans un parcours scolaire.
Entendons-nous bien, les travaux de Pierre Bourdieu sur l’importance de l’habitus de classe sociale et les différents capitaux dont disposent ou manquent des jeunes sont un apport essentiel pour analyser les tendances, sinon à la reproduction sociale, du moins pour décrypter la viscosité sociale. En effet, les trajets sociaux sont courts. Quand on n’est pas dans la catégorie socioprofessionnelle (CSP) de son père – ce qui est le cas de deux enfants sur trois –, on se trouve souvent dans une CSP voisine. Ces travaux ont fait réfléchir les professeurs et l’ensemble de l’institution scolaire sur leurs pratiques.
Hiérarchie sociale
Cela étant, le risque est d’avoir une vision des choses trop déterministe, qui fait sous-estimer le talent et le travail des jeunes issus des classes favorisées et qui travaillent avec suffisamment d’intensité pour réussir. Ne pas exagérer dans les résultats scolaires l’importance de l’orthographe et de la culture générale souvent transmise par le milieu familial peut se comprendre, avec toutefois le risque, bien réel, de rendre moins vigilants les enfants des milieux moins favorisés sur les efforts personnels à accomplir et finalement de repousser du secondaire au supérieur les mécanismes d’inertie sociale.
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