Des enfants lors d’une distribution de nourriture à Khan Younès, le 22 juillet 2025.

C’est une première au Moyen-Orient. L’ONU a officiellement déclaré vendredi 22 août la famine dans le gouvernorat de la ville de Gaza, où 500 000 personnes « sont confrontées à des conditions catastrophiques caractérisées par la famine, le dénuement et la mort », selon ses experts, à l’heure où Israël menace de détruire la plus grande ville du territoire palestinien ravagé par la guerre.

Les organisations humanitaires et les experts en sécurité alimentaire avertissent depuis des mois que Gaza est au bord de la famine, mais c’est la première confirmation officielle. Après des mois de mise en garde, le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), un organisme indépendant développé par l’ONU et des ONG, basé à Rome, a confirmé qu’une famine était en cours dans le gouvernorat de la ville de Gaza, situé dans le centre-nord de l’enclave. Celui-ci est composé de la ville de Gaza et d’autres localités environnantes.

Selon l’IPC, entre mi-août et fin septembre, la situation devrait encore s’aggraver, la famine s’étendant à Deir el-Balah et Khan Younès. Les conditions dans le nord de la bande de Gaza sont aussi graves, voire pires que dans le gouvernorat de la ville de Gaza, mais le manque de données empêche le classement de cette zone dans l’état de famine, selon l’IPC. Quant à la province de Rafah, suite aux évacuations, elle n’est pas assez peuplée pour produire une analyse.

Le gouvernorat de Gaza représente environ 20 % de la superficie du territoire palestinien. Si l’on ajoute ceux de Khan Younès (29,5 %) et Deir el-Balah (16 %), on arrive à 65,5 %, soit environ les deux tiers de la superficie totale de la bande de Gaza, un territoire pauvre de 365 km2 où s’entassent 2,1 millions de Palestiniens.

Cette famine « aurait pu être évitée » sans « l’obstruction systématique d’Israël », a accusé le responsable de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, Tom Fletcher. Le chef des droits humains de l’ONU, Volker Türk, a rappelé vendredi qu’« affamer des gens à des fins militaires est un crime de guerre ».

• Qu’est-ce que l’état de famine ?

Pour l’IPC, une famine est en cours lorsque trois critères sont réunis :

– au moins 20 % des foyers sont confrontés à un manque extrême de nourriture ;

– au moins 30 % des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë ;

– au moins deux personnes sur 10 000 meurent de faim chaque jour.

La malnutrition aiguë se traduit par une maigreur et/ou la présence d’œdèmes. La plupart des cas de malnutrition sévère chez les enfants résultent d’une combinaison de manque de nutriments et d’une infection, entraînant une diarrhée et d’autres symptômes qui provoquent une déshydratation pouvant conduire jusqu’à la mort.

Au moins 132 000 enfants de moins de cinq ans risquent de mourir de malnutrition aiguë à Gaza, selon le consortium. Ce chiffre a doublé depuis mai et comprend plus de 41 000 cas graves.

Newsletter

« Chaleur humaine »

Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet

S’inscrire

L’analyse du risque de famine, menée par l’IPC, est conduite de façon périodique par des experts d’une quinzaine d’agences des Nations unies, organisations internationales et associations. Ces experts s’appuient sur des données de terrain et les remontées de partenaires, et suivent une échelle de classification des crises alimentaires qui compte cinq niveaux.

La phase 2 est appelée « tension alimentaire », la phase 3, « crise alimentaire », la phase 4, « urgence alimentaire ». Pour la phase 5, l’IPC parle à la fois de « catastrophe » (à l’échelle des foyers) et de « famine » (à l’échelle d’un territoire).

Cette échelle mondiale commune constitue le principal mécanisme utilisé par la communauté internationale pour analyser les données et déterminer si une famine est en cours ou prévue dans un pays.

• Qu’est-ce que l’IPC ?

L’IPC a été créé en 2004, lors de la famine en Somalie. C’est un outil technique de référence indépendant.

L’organisme ne déclare pas lui-même la famine mais fournit plutôt l’analyse qui permet aux gouvernements et aux organisations internationales comme l’ONU de publier des déclarations officielles.

L’IPC n’a constaté la famine qu’à quelques reprises : en Somalie en 2011, au Soudan du Sud en 2017 et 2020, et l’année dernière dans certaines régions du Darfour occidental, au Soudan. On estime que des dizaines de milliers de personnes sont mortes en Somalie et au Soudan du Sud.

• Peut-on encore inverser la donne ?

L’IPC affirme qu’une fois la famine déclarée, il est presque déjà trop tard, mais « cette famine étant entièrement causée par l’homme, elle peut être stoppée et inversée ». « La famine est une course contre la montre, écrit l’organisme. Un cessez-le-feu immédiat et la fin du conflit sont essentiels pour permettre une intervention humanitaire à grande échelle et sans entrave afin de sauver des vies. »

Pressé de toute part de laisser rentrer l’aide dans la bande de Gaza, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a nié l’existence de la faim dans l’enclave, qualifiant les informations faisant état de famine de « mensonges » propagés par le Hamas.

Les largages aériens de vivres récemment autorisés par Israël « ne seront pas suffisants pour inverser la catastrophe humanitaire », avertit l’IPC, selon qui ces parachutages sont plus coûteux, moins efficaces et plus dangereux que les acheminements par la route.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Pourquoi le parachutage d’aide ne pourra jamais enrayer la famine à Gaza

Selon l’ONU, 1 857 Palestiniens ont été tués entre le 27 mai et le 17 août alors qu’ils cherchaient de la nourriture ces trois derniers mois, la plupart à proximité de sites gérés par la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), une organisation privée soutenue par Israël et les Etats-Unis. Un rapport de MSF publié le 7 août dénonce les « tueries organisées » et la « déshumanisation » dans ces sites de distribution alimentaire.

Lire le reportage | Article réservé à nos abonnés Guerre à Gaza : l’armée israélienne interpellée sur sa faillite morale

De janvier à juillet, 89 décès ont été attribués à la malnutrition ou à la famine, principalement chez les enfants et les adolescents. Rien que pour le mois d’août, au moins 138 décès ont été recensés, dont 25 mineurs, selon les chiffres du ministère de la santé de la bande de Gaza contrôlée par le Hamas, vérifiés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Israël, qui mène une offensive dans la bande de Gaza depuis les attaques meurtrières du Hamas le 7 octobre 2023, contrôle tous les accès à l’enclave palestinienne.

Le Monde avec AP et AFP

Réutiliser ce contenu
Partager
Exit mobile version