Gérald Darmanin a annoncé la création d’un quartier pénitentiaire de haute sécurité en Guyane.
Des personnalités politiques de gauche fustigent un projet rappelant, selon eux, l’époque du bagne de Cayenne.
Des critiques rejetées en bloc par le ministre de la Justice, qui appelle à « éviter les comparaisons qui sont une insulte à la République ».
Un douloureux héritage. L’annonce par le ministre de la Justice Gérald Darmanin de la création d’un quartier de haute sécurité dans une nouvelle prison à Saint-Laurent-du-Maroni (Guyane), en pleine forêt équatoriale, a provoqué de vives critiques dimanche. Élus locaux et personnalités politiques de gauche ont fustigé un projet rappelant, selon eux, l’époque du bagne. Une référence dénoncée par le garde des Sceaux, qui a appelé à « éviter les comparaisons qui sont une insulte à la République ».
Ici, on est plus effrayé par le châtiment que par le crime
Ici, on est plus effrayé par le châtiment que par le crime
Le journaliste Albert Londres, dans « Le Petit Parisien » au début des années 1920
Aujourd’hui considérée comme la plaque tournante du trafic de drogue en Guyane, la ville de Saint-Laurent du Maroni fut l’ancien port d’entrée du bagne où débarquaient les forçats venus de métropole. « Ici, on est plus effrayé par le châtiment que par le crime », rapportait, au début des années 1920 dans Le Petit Parisien, Albert Londres, dont le récit terrible avait permis la fermeture de cette institution « devenue honteuse pour la France« .

– STF / AFP
Il fallut toutefois attendre 1946 pour que cette colonie pénitentiaire française ferme définitivement. Le 8 août 1953, le navire San Mateo quittait la Guyane avec à son bord 58 condamnés et 30 remis en liberté. Fondé en 1852 par Napoléon III, le bagne était situé sur l’anse du Chaton, à Cayenne. En quatre-vingt-quatorze ans d’existence, de 1852 à 1946, pas moins de 100.000 condamnés aux travaux forcés ou à la relégation – lorsque la peine était supérieure à sept ans, un lopin de terre leur était attribué pour les contraindre à rester – ont été convoyés de la France vers la Guyane.
L’espérance de vie ne dépassait pas les 5 ans
À partir de 1921, les bagnards effectuaient la traversée de l’Atlantique dans les cales de La Martinière, un navire-prison qui comprenait huit cages d’une centaine de places chacune. Les embarquements avaient lieu deux fois par an depuis Saint-Martin-de-Ré. Tous les condamnés venant de métropole débarquaient d’abord à Saint-Laurent-du-Maroni et étaient ensuite répartis entre différents camps pénitenciers. Les détenus les plus dangereux détenus étaient envoyés sur l’île Royale. Après sa condamnation pour espionnage au profit de l’Allemagne, en 1894, Alfred Dreyfus avait lui été envoyé sur l’île du Diable.
En Guyane, les détenus étaient employés soit à des travaux forcés – assainissement des marais, entretien des installations portuaires, construction de routes – soit au service des particuliers. Entre les violences, les châtiments et les maladies tropicales, notamment la malaria, l’espérance de vie des bagnards ne dépassait généralement pas les cinq ans, d’où le surnom de « guillotine sèche » qui était donné à ce bagne colonial. Classé au titre des monuments historiques, le camp de Saint-Laurent-du-Maroni est aujourd’hui en partie restaurée et abrite le Musée du bagne. Un devoir de mémoire.