Les chiffres des rassemblements de rue sont toujours matière à contestation. Comme ceux du « trou de la Sécu ». On ne saura sans doute jamais combien de personnes suivirent l’enterrement d’Ambroise Croizat, le samedi 17 février 1951, à Paris. Au dire de l’époque du Parti communiste français (PCF), 1 million de personnes accompagnèrent le corps du militant syndical, député de la Seine et ancien ministre du travail, du siège de la CGT, rue La Fayette, jusqu’au cimetière du Père-Lachaise. Estimation rituellement gonflée, selon les historiens qui ont analysé les images d’archives.

Une seule certitude, à les visionner aujourd’hui, ces images : la foule était immense à accompagner celui qui venait de mourir d’un cancer du poumon à 50 ans. Avec le faste qu’il savait réserver à ses héros, le PCF portait en terre « son » père de la Sécurité sociale, cette institution née il y a tout juste quatre-vingts ans, par les ordonnances du 4 et du 19 octobre 1945. Dans un infini de drapeaux rouges et tricolores, de gerbes de fleurs et de parapluies, le cortège de militants, appareil communiste et cégétiste en tête, avait envahi les rues de la capitale pour saluer celui qui avait été rebaptisé le « ministre des travailleurs ».

Dans L’Humanité dimanche, le journaliste et futur écrivain Jean-Pierre Chabrol lâchait sa plume : « C’était comme un fleuve veiné de tricolore où tremblait la brume des cravates de crêpe. Œillets, lilas par milliers, des couronnes sur toute la largeur de la rue. Par milliers, sur des kilomètres. Comme si des parterres fleuris s’étaient mis soudain à marcher. Mineurs du Nord ou d’Alès, en bleu, lampe au côté, métallos de Citroën ou de Renault, élus barrés d’écharpes, la France entière s’était, ici, donné rendez-vous. »

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