Le tribunal d’application des peines a ordonné ce vendredi la libération conditionnelle de ce libanais âgé de 73 ans, sous les verrous depuis le 24 octobre 1984.
Le parquet national antiterroriste a annoncé faire appel de cette décision.
Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de l’assassinat de deux diplomates, Georges Ibrahim Abdallah, détenu à la maison d’arrêt de Lannemezan, est libérable depuis 1999.

Emprisonné depuis 40 ans, Georges Ibrahim Abdallah pourrait bientôt retrouver la liberté. Le tribunal d’application des peines a accepté ce vendredi la onzième demande de libération conditionnelle de ce militant libanais propalestinien condamné à la perpétuité en 1987 pour complicité dans l’assassinat de deux diplomates. 

« Par décision en date du jour, le tribunal d’application des peines a admis Georges Ibrahim Abdallah au bénéfice de la libération conditionnelle à compter du 6 décembre prochain, subordonnée à la condition de quitter le territoire national et de ne plus y paraître », a précisé dans un communiqué à l’AFP le parquet national antiterroriste (Pnat), qui a annoncé faire appel.

« Je suis un combattant, pas un criminel »

L’ex-« révolutionnaire » Georges Ibrahim Abdallah, 73 ans, est emprisonné à la maison d’arrêt de Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées, à 120 km de Toulouse. « Je suis un combattant, pas un criminel », a toujours souligné cet homme considéré comme l’un des plus vieux prisonniers de France. « L’itinéraire que j’ai suivi a été commandé par les atteintes aux droits de l’Homme perpétrées contre la Palestine », se défendait devant les juges cet homme au regard clair et à la barbe drue. 

Né le 2 avril 1951 à Koubayat, au nord du Liban, ce chrétien de rite grec-orthodoxe milite à 15 ans au Parti populaire syrien, une formation favorable à une « Grande Syrie » incluant Liban et Palestine. Blessé pendant l’invasion du Liban par Israël en 1978, il adhère au Front populaire de libération de la Palestine, mouvement communiste et anti-impérialiste de Georges Habache. L’instituteur taciturne fonde ensuite, avec ses frères et des cousins, les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL).

Il a déjà des contacts avec des mouvements considérés comme terroristes : Action directe (France), Brigades rouges (Italie), le Vénézuélien Carlos et Fraction Armée rouge (Allemagne). Groupuscule marxiste pro-syrien et anti-israélien, les FARL revendiquent cinq attentats, dont quatre mortels en 1981-1982 en France.

Persuadé d’être poursuivi par le Mossad

Le 24 octobre 1984, Georges Ibrahim Abdallah entre dans un commissariat de Lyon, demandant à être protégé des tueurs du Mossad qu’il dit sur ses traces. Il est alors détenteur d’un passeport algérien, après avoir eu des passeports maltais, marocain et yéménite. Mais la Direction de la surveillance du territoire (DST) comprend vite que l’homme au français parfait n’est pas un touriste, mais Abdel Kader Saadi, « nom de guerre » de Georges Ibrahim Abdallah. Dans l’un de ses appartements à Paris, on découvre un arsenal dont des pistolets mitrailleurs et postes émetteurs-récepteurs.

Condamné en 1986 à Lyon à quatre ans de prison pour association de malfaiteurs et détention d’armes et d’explosifs, il est jugé l’année suivante par la cour d’assises spéciale de Paris pour complicité dans l’assassinat en 1982 de deux diplomates, l’Américain Charles Ray et l’Israélien Yacov Barsimentov, et la tentative d’assassinat d’un troisième en 1984. Georges Ibrahim Abdallah nie, réaffirme qu’il n’est « rien qu’un combattant arabe » mais il est condamné à la perpétuité, l’avocat général ayant requis dix ans d’emprisonnement.

« On lui écrit du monde entier »

Un comité de soutien est aussitôt créé, demandant sa « libération immédiate ». Devenu l’un des plus anciens détenus de France, le militant propalestinien n’a jamais émis le moindre regret. « Il va bien intellectuellement. C’est un militant, il reste sur ses positions (…) On lui écrit du monde entier », disait en 2022 à l’AFP Me Jean-Louis Chalanset. Selon son avocat, Georges Ibrahim Abdallah est « le plus vieux prisonnier au monde lié au conflit du Moyen-Orient ».

Depuis 1999, année où il est devenu libérable, toutes ses demandes de libération conditionnelle ont été rejetées sauf une, en 2013, mais sous réserve qu’il soit expulsé, ce que ne met pas en œuvre le ministre de l’Intérieur d’alors, Manuel Valls. Au fil des ans, son sort émeut et mobilise militants et sympathisants de gauche, qui accusent les gouvernements successifs d’acharnement et le considèrent comme « un prisonnier politique ». Des municipalités communistes le font même citoyen d’honneur et, régulièrement, des manifestations ont lieu devant sa prison. 

« Georges Ibrahim Abdallah est victime d’une justice d’État qui fait honte à la France », dénonce en octobre dernier auprès de L’Humanité (nouvelle fenêtre)l’écrivaine Annie Ernaux , prix Nobel 2022 de littérature. 

En juin 2024, l’ex-candidat à la présidentielle LFI Jean-Luc Mélenchon, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet ou encore le député MoDem Richard Ramos cosignent dans L’Humanité une tribune « condamnant la peine de mort lente infligée à Georges Ibrahim Abdallah et appelant à sa libération ».


JC (avec AFP)

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