Omar Ben Laden s’était installé dans un village de Normandie en 2016.
Sommé de quitter le territoire en 2023, à la suite d’une publication à la gloire de son père sur les réseaux sociaux, il était parti dans la foulée pour le Qatar.
Il ne peut désormais plus revenir en France, où vit son épouse, à la suite d’une interdiction administrative.
Que sait-on de cet homme discret, fils du djihadiste Oussama Ben Laden, qui vivait dans un relatif anonymat ?

À l’annonce de son « interdiction administrative du territoire français », rendue publique ce mardi matin par le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, on a pu s’étonner qu’un des fils du djihadiste le plus connu de la planète coule des jours paisibles dans un village de l’Orne. Omar Ben Laden se voulait en rupture avec son père, dont il rejetait les actions violentes, jusqu’à ce qu’une publication sur ses réseaux sociaux n’attire sur lui l’attention des autorités françaises. C’est à l’occasion du douzième anniversaire de la mort d’Oussama Ben Laden, en mai 2023, qu’un compte appartenant à son fils semble glorifier ses actions terroristes.

Visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) en octobre 2023, l’homme de 43 ans s’était envolé quelques jours plus tard pour le Qatar. Il vivait depuis 2016 avec son épouse britannique à Domfront-en-Poiraie (Orne), où il se préoccupait apparemment plus de peinture et des quelques chevaux qu’ils possédaient, que de djihad ou de martyr.

Je pense que je serai un peintre célèbre. Peut-être plus que Van Gogh

Omar Ben Laden

Son talent en peinture, Omar Ben Laden en semble convaincu, à en croire sa rencontre avec un journaliste de Ouest-France (nouvelle fenêtre) en 2021. « Je pense que je serai un peintre célèbre. Peut-être plus que Van Gogh « , estimait-il, alors que ses toiles étaient exposées dans la brocante d’un village de la Manche. Difficile de deviner la part de sérieux dans la proclamation de cet homme jovial, qui paraît n’avoir laissé que de bons souvenirs à Domfront-en-Poiraie. 

Ses toiles se vendaient, affirmait alors Pascal Martin, qui se présente comme son agent artistique, et selon qui sa signature suffisait à faire grimper sa cote. Les toiles presque enfantines représentent des dunes sahariennes ou le désert d’Arizona, et sont en effet signées de ses initiales, communes à son père : OBL.

Enfance heureuse

Omar Ben Laden est né en Arabie Saoudite le 1ᵉʳ mars 1981, le troisième d’une fratrie de sept enfants, dont quatre sont encore vivants aujourd’hui (nouvelle fenêtre). La famille vit entre Djeddah et une grande ferme à l’extérieur de la ville, une période heureuse à laquelle il fait remonter son goût précoce pour les chevaux, et celui pour la peinture. Mais la ferme sera bientôt transformée en camp d’entraînement militaire par son père, après l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein.

Quand son père est exilé en 1991, il le suit avec sa famille au Soudan, alors qu’il est âgé de 10 ans. Il a une quinzaine d’années quand il commence l’entraînement dans les camps d’Al-Qaïda en Afghanistan, et guère plus de 16 quand il connaît pour la première fois l’épreuve des combats lors de la guerre civile afghane. C’est à cette période qu’il fait remonter son dégoût de la violence, selon ce qu’il a expliqué en 2021 au magazine Vice (nouvelle fenêtre). Il affirme qu’il n’était pas proche de son père, connu pour sa brutalité envers ses enfants. Dans le même entretien, Omar Ben Laden préfère se référer à la tendance artistique de sa mère, à l’origine de son goût pour la peinture, selon lui. C’est avec elle qu’il se soustrait à l’autorité paternelle, en partant pour la Syrie à l’âge de 18 ans.

Peu après, le 11 septembre 2001, le nom de son père, et donc le sien, allaient entrer dans l’Histoire de la façon la plus terrible, avec l’attentat meurtrier des tours jumelles du World Trade Center. D’après Omar, c’est en 2001 qu’il a vu son père pour la dernière fois, dans son campement en Afghanistan de Tora-Bora, quelques mois avant l’attentat qui devait bouleverser l’ordre géopolitique mondial. Dix ans avant la mort d’Oussama Ben Laden , le 2 mai 2011, au Pakistan. 

Entretemps, il a dirigé une société de revente de métal dans la ville de son enfance, Djeddah, jusqu’en 2006. C’est cette année-là qu’il épouse une citoyenne britannique, Zaina Mohamed Al-Sabah, née Jane Felix-Browne. Le couple s’installe au Royaume-Uni, dont il sera refoulé en 2008. S’ensuivent plusieurs années de pays en pays, avant qu’Omar Ben Laden ne se fixe au Qatar. En 2016, il arrive finalement en France avec son épouse, et se consacre essentiellement à la peinture et à l’élevage de chevaux, comme en témoignent plusieurs reportages de la presse locale au fil des ans. Il y parle de sa « tristesse pour les victimes innocentes du 11 septembre », et de son goût pour les westerns américains. 

Le 2 avril 2023, douze ans jour pour jour après la mort de son père dans l’attaque américaine de son quartier général au Pakistan, un tweet émis depuis un compte à son nom, à la gloire d’Oussama Ben Laden, a mis fin à ce paisible exil normand. Omar Ben Laden « a nié être l’auteur des propos répréhensibles sur ses réseaux sociaux », avait noté la préfecture lors la délivrance d’une OQTF à son encontre. « Il n’en est pas moins établi que ces contenus illicites ont bien été accueillis sur ses réseaux sociaux, et qu’il ne les a pas retirés ni condamnés », précisait le communiqué.


Frédéric SENNEVILLE

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