Des piétons traversent un pont à Uvira, dans l’est de la République démocratique du Congo, le 9 décembre 2025.

Le M23 soutenu par le Rwanda et son armée a pénétré mardi 9 décembre dans les faubourgs d’Uvira, ville stratégique de l’est de République démocratique du Congo (RDC) située aux portes du Burundi voisin, mettant à mal un accord « pour la paix » récemment entériné sous les auspices de Washington.

Cette nouvelle percée du groupe armé antigouvernemental M23, qui affirme défendre les intérêts des populations tutsi de la région, intervient près d’un an après l’offensive éclair qui lui avait permis avec ses alliés rwandais de s’emparer entre janvier et février des deux grandes villes de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), Goma et Bukavu.

Depuis mars, le front s’était relativement stabilisé et des pourparlers avaient été engagés ces derniers mois. Jeudi dernier, le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame ont ratifié à Washington un accord visant à mettre un terme au conflit et qualifié de « miracle » par le président américain Donald Trump.

L’accord, dont la mise en œuvre s’annonçait déjà difficile lorsqu’il avait été conclu en juin, prévoit une contrepartie économique promettant d’assurer à l’industrie de pointe américaine un approvisionnement en minerais stratégiques. L’Est congolais, région frontalière du Rwanda et en proie à des conflits depuis trente ans, est riche en ressources naturelles.

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30 000 personnes ont fui les combats

Mardi soir, au terme d’une avancée rapide, des combattants du M23 soutenus dans l’est de la RDC par 6 000 à 7 000 soldats rwandais selon des experts de l’ONU, sont entrés par le nord de l’agglomération d’Uvira, selon des sources sécuritaires et militaires.

« Le M23 est venu en larguant des bombes », a dit un officier de l’armée congolaise (FARDC), précisant que son unité avait quitté Uvira dans l’après-midi. « Il y a des tirs isolés environ toutes les 30 minutes, tout le monde est terré chez soi », a dit à l’Agence France-Presse sous couvert de l’anonymat un représentant de la société civile locale joint par téléphone.

La ville enclavée entre des montagnes et le lac Tanganyka s’est largement vidée au cours de la journée à mesure que le M23 avançait, habitants, soldats, policiers et personnels administratifs fuyant devant la menace. Plus de 30 000 Congolais ont fui les combats et sont arrivés au Burundi en une semaine, selon un responsable administratif local burundais et une source onusienne.

Scènes de chaos

Des colonnes de soldats congolais, dont certains ont abandonné armes et uniformes, ont fui la ville, se dirigeant vers le sud du pays à bord de véhicules réquisitionnés à des civils ou même à pied, selon des sources militaires. D’autres ont tenté d’emprunter un bateau sur le lac, la cohue au port local créant des tensions. Des tirs désordonnés ont été entendus

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Des scènes de « chaos » dans la ville ont été décrites par plusieurs témoins et militaires. Certains FARDC ont pillé magasins et pharmacies sur leur passage, arrachant même des téléphones aux mains des habitants, selon des témoins et des sources militaires. Plusieurs centaines de soldats congolais et burundais avaient déjà quitté les combats lundi et traversé la frontière pour se réfugier au Burundi.

Les Etats-Unis et plusieurs pays européens ont exhorté mardi dans un communiqué commun le M23 et Kigali à cesser « immédiatement » leur offensive en cours. Le M23 et les troupes rwandaises ont lancé l’offensive le 1er décembre, plusieurs sources sécuritaires signalant alors d’« importants mouvements de troupes » avec notamment l’arrivée de renforts rwandais au cours des deux dernières semaines.

Risque d’une crise régionale

Le Burundi, qui entretient des relations houleuses avec le Rwanda depuis des années, est présent dans l’est de la RDC depuis 2023. Avec au départ 10 000 soldats déployés, l’armée burundaise compte actuellement quelque 18 000 hommes sur le sol congolais, selon une source sécuritaire.

Située sur la rive nord du lac Tanganyika, Uvira fait face à la capitale économique burundaise Bujumbura, les deux villes étant distantes d’une vingtaine de km. La prise de cette cité par le M23 donne une dimension régionale à la crise et constitue une menace directe aux yeux du Burundi, le coupant totalement du territoire de la RDC.

Le président du Burundi Evariste Ndayishimiye avait été parmi les premiers à mettre en garde, tout comme l’ONU, contre le risque que le conflit dans l’est de la RDC ne tourne en guerre régionale dans les Grands Lacs après l’offensive d’ampleur du M23 en début d’année.

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Le Monde avec AFP

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