
Dénonçant l’« obstruction » de la gauche, la ministre de la culture Rachida Dati a dégainé l’arme constitutionnelle du vote bloqué lors de l’examen de la réforme de l’audiovisuel public au Sénat, vendredi 11 juillet au matin, pour tenter d’accélérer l’examen du texte avant les congés parlementaires. Cette stratégie a permis d’aboutir à l’adoption du texte en deuxième lecture par la chambre, dans l’après-midi, par 194 voix contre 113.
Ce vote clôt la session extraordinaire du Parlement, qui reprendra ses travaux le 22 septembre. En début d’après-midi, la gauche avait décidé de quitter l’Hémicycle, pour protester contre le recours par Mme Dati à la procédure prévue à l’article 44.3 de la Constitution, qui a permis de sauter l’examen de centaines d’amendements, afin que les sénateurs n’aient la possibilité que d’approuver ou de rejeter l’ensemble du texte.
Contestée par les syndicats et la gauche mais portée à bout de bras par la ministre de la culture, la réforme prévoit dans les grandes lignes de créer le 1er janvier 2026 une holding, France Médias, qui chapeauterait France Télévisions, Radio France et l’IInstitut national de l’audiovisuel (INA), sous l’autorité d’un président-directeur général.
Débats « escamotés »
Depuis plusieurs mois, le texte connaît un parcours parlementaire chaotique, porté à bout de bras par la ministre de la culture. Jeudi, les débats se sont enlisés au Sénat : suspensions de séance à répétition, rappels au règlement, motions de rejet préalable, invectives en pagaille… En plus de huit heures de discussion, les sénateurs ont à peine démarré l’examen de l’article premier de la proposition de loi du sénateur Laurent Lafon. A la manœuvre, la gauche, bien décidée à jouer la montre, alors que la session extraordinaire doit théoriquement s’achever vendredi à minuit.
Dans la matinée, un peu plus d’une demi-heure après la reprise des débats, Mme Dati a annoncé que le gouvernement demandait au Sénat « de se prononcer par un vote unique sur l’ensemble du texte », « en application de l’article 44 alinéa 3 de la Constitution ». « Après plus de sept heures de débat, nous n’avons pu débattre que de 31 amendements sur ce texte. On a vu encore ce matin (…) de l’obstruction, toujours de l’obstruction et encore de l’obstruction », a-t-elle justifié. Il restait alors environ 300 amendements à débattre.
Les débats, suspendus vers 10 h 15, ont repris près de deux heures plus tard. Les orateurs de la gauche ont successivement protesté contre ce « coup de force », selon le mot de l’ancienne ministre socialiste, Laurence Rossignol. « On parle de liberté de la presse. Mais commençons déjà par respecter les droits du Parlement », a-t-elle tonné, rappelant que le Sénat avait d’autres outils à sa disposition pour discipliner les discussions.
Le 30 juin, les débats avaient déjà été « escamotés » en première lecture à l’Assemblée, après le vote surprise d’une motion de rejet déposée par les écologistes, face aux bancs désertés de la coalition gouvernementale. « C’est vous qui êtes responsables du fait que le débat ne peut pas avoir lieu. Ce n’est pas nous », leur a rétorqué le rapporteur du texte, Cédric Vial (Les Républicains).
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Le président de la commission de la culture du Sénat, Laurent Lafon (UDI), a lui aussi défendu la décision du gouvernement, pointant une obstruction « caractérisée » destinée à « empêcher que le Sénat confirme son soutien » au texte.
Désormais, l’examen du texte devrait pouvoir « aller au bout » avant la fin de la session, selon cette source. Et revenir sans doute à l’automne à l’Assemblée, à une date indéterminée.