Au mois de mai, lors d’un entretien télévisé sur la chaîne de télévision américaine CBS, le pape François a opposé un non catégorique à la perspective d’ordonner des femmes diacres. Sa déclaration a surpris. Ne contredit-elle pas ses propos répétés sur l’importance d’intégrer davantage les femmes dans la gouvernance de l’Eglise ? De plus, le canal choisi n’est-il pas inopportun ? Une banale interview, alors que l’Eglise tout entière est engagée dans un processus synodal, justement pour réfléchir à la question de manière dialogique.

Un synode implique une communication du bas vers le haut et réciproquement, pour un cheminement de l’ensemble du peuple de Dieu conforme à l’Evangile. Une sorte de « miniconcile » en somme. Et pour la première fois, les deux assemblées synodales (celle passée d’octobre 2023 et celle à venir d’octobre 2024) comptent dans leurs rangs des laïcs : ceux-ci sont certes minoritaires, mais l’évolution est loin d’être anodine.

Pourquoi alors retirer de la discussion synodale l’une des demandes les plus constantes de nombre de catholiques du monde entier ? Les assemblées sont conçues pour écouter et discerner afin d’arriver à la décision la plus consensuelle possible. Ce sont des moments opportuns pour prendre en compte l’immense malaise des femmes en Eglise, leur sentiment d’être discriminées, leur incompréhension quant à leur relégation loin des instances de décision du magistère. En octobre 2023, la première session du synode recensait 54 femmes sur 365 membres. En octobre 2024, les mêmes reviendront, soit une femme pour sept hommes. S’il y avait parité – car les femmes interprètent les Ecritures et la tradition aussi bien que les hommes –, l’issue du débat serait-elle la même ?

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N’est-ce pas justement ce que craignent beaucoup de clercs appartenant aux hautes sphères de l’Eglise ? L’égalité baptismale, qui est première, ne devrait-elle pas conduire à la règle « une personne/une voix » ? Nul ne peut plus remettre en cause aujourd’hui le fait que toutes et tous sont créés à l’image de Dieu, que le même Esprit est agissant chez tous les baptisés, hommes et femmes. Mais ce modèle, qu’on l’appelle démocratie, parité ou autrement, est profondément subversif pour un régime monarchique qui fonde son pouvoir sur le patriarcalisme et sur le hiérarchalisme comme absolutisation du sacré (hiereus en grec) et partant du prêtre.

« La question des femmes »

Le magistère gagnerait à tirer des leçons du passé. Le seul moment dans l’histoire de l’Eglise où un synode ou un concile a été vidé d’une partie de son contenu est Vatican II. Déjà, cela concernait un sujet chaud qui, dans l’institution catholique, vise encore prioritairement les femmes : la régulation des naissances. Les pères conciliaires avaient commencé à l’aborder de manière ouverte et créative. Et chacun était persuadé, comme on l’est aujourd’hui à propos du rôle et des fonctions (y compris ministérielles) des femmes, que l’on envisagerait la contraception de façon constructive. Mais ce n’était pas l’avis de la mouvance conservatrice.

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