- Le Bangladesh est devenu le deuxième pays exportateur de vêtements au monde.
- Dans les ateliers de confection, les conditions de travail sont extrêmement difficiles et il n’est pas rare d’y croiser des enfants.
- Regardez ce reportage exceptionnel diffusé ce jeudi soir dans le 20H de TF1.
De jour comme de nuit, les machines à coudre tournent à plein régime dans les ateliers du Bangladesh. C’est dans ce pays d’Asie du Sud que bon nombre de grandes marques de prêt-à-porter font assembler les vêtements destinés aux marchés européen et nord-américain. En quelques années, grâce à sa main-d’œuvre abondante et bon marché, le Bangladesh est devenu le deuxième plus grand atelier de production de vêtements et de chaussures du monde, juste après la Chine. Dans les 3.500 ateliers de confection du pays, les conditions de travail sont extrêmement difficiles et il n’est pas rare d’y croiser des enfants de moins de 14 ans, l’âge auquel le travail est autorisé.
Le grand reportage exceptionnel à retrouver dans la vidéo en tête de cet article, diffusé ce jeudi soir dans le 20H de TF1, débute dans un atelier de la banlieue de la capitale Dacca. Un adolescent de 15 ans découpe à même le sol des bouts de tissus à l’aide d’une machine tranchante. « Si je ne fais pas attention, ça peut me couper la main »
, dit-il. En montant les étages de ce bâtiment insalubre, accompagné d’un habitant du quartier, la réalité est encore plus effrayante. Dans une pièce lugubre, un garçon de 9 ans prénommé Rassan s’affaire à ranger des habits dans des sacs en plastique. « Moi, je ferme les boutons et je mets ensuite dans l’emballage »
, explique-t-il. Pour ce travail, le garçon n’est pas payé. « Il gagne juste de quoi se nourrir et des vêtements »
, indique une femme à ses côtés.
Le responsable de l’usine assume d’exploiter illégalement des enfants, et pour une bonne raison : « Ils ont tous besoin d’un peu d’argent pour leur famille, ils ont besoin de manger aussi »,
soutient-il.
Le patron de l’usine assure à notre équipe que les enfants ne travaillent pas pour des multinationales, uniquement pour des marques locales. Pourtant, en regardant sur l’étiquette d’un jean, c’est bien le nom d’une entreprise américaine qui est inscrit. Mais les contrôles sont inexistants et les autorités préfèrent fermer les yeux. Et pour cause, le textile est une industrie vitale pour le Bangladesh. Elle représente 80% de ses exportations, lui a rapporté 35 milliards d’euros en 2024 et fait vivre des millions de Bangladais.
Ils nous font travailler de nuit, parfois jusqu’à minuit
Ils nous font travailler de nuit, parfois jusqu’à minuit
Une ouvrière textile
En 2013, suite au drame du Rana Plaza (nouvelle fenêtre), un atelier de confection dont l’effondrement avait causé la mort de plus d’un millier d’ouvriers, des marques mondialement connues s’étaient engagées à améliorer les conditions de travail des ouvriers textiles. Munie d’une caméra discrète, notre journaliste Jeanne Quancard a pu visiter l’atelier d’un sous-traitant en se faisant passer pour une touriste. Dans cette usine, des dizaines d’ouvrières textiles débitent à la chaîne des vêtements pour des géants de la mode, dont des marques françaises. L’une d’elles a accepté de raconter l’envers du décor. Après plus de 12 heures de travail, elle accueille notre équipe chez elle, à l’abri des regards et visage caché de peur d’être renvoyée.
Les conditions de travail que décrit cette ouvrière textile donnent froid dans le dos. La cadence est infernale, elle doit se concentrer sur la même tâche pendant des heures, sans pause, pour un salaire ne dépassant 100 euros par mois. « Nos chefs nous crient dessus et nous insultent. Maintenant, ils nous font travailler de nuit, parfois jusqu’à minuit »,
assure-t-elle. Pour répondre aux commandes, toujours plus nombreuses, il est même déjà arrivé qu’elle travaille jusqu’à un mois sans aucun jour de repos. Grâce à son emploi, elle peut envoyer ses enfants à l’école, et c’est ce qui l’a fait tenir.
Je me sens mal que mon enfant doive travailler. Mais, si nous n’avions pas ce travail, je ne sais pas comment nous pourrions survivre »
Je me sens mal que mon enfant doive travailler. Mais, si nous n’avions pas ce travail, je ne sais pas comment nous pourrions survivre »
Une mère de famille
Dans un autre atelier, où un employé a accepté de filmer en caméra cachée, plusieurs enfants s’affairent derrière une machine à coudre, dont un enfant de 10 ans. L’un d’eux accepté de recevoir nos journalistes à son domicile. Âgé de 13 ans, il a commencé à travailler il y a seulement quelques mois, poussé par ses parents. « Je me sens mal que mon enfant doive travailler. Mais, si nous n’avions pas ce travail, je ne sais pas comment nous pourrions survivre »
, se désole sa mère. Chez un autre sous-traitant, qui fournit une marque de prêt-à-porter française, un garçon de 12 ans travaillait aussi dans l’atelier, contraint et forcé.
En plus d’exploiter des enfants, l’industrie textile pollue énormément. L’eau des rivières qui entourent les usines et les habitations est totalement noircie à cause de la pollution des produits chimiques qui sont déversés par les usines. L’odeur est insoutenable. Les habitants ne peuvent plus l’utiliser. Sans même y toucher, elle les rend même malades. « On a tous des problèmes de peau ou de fièvre. Mais tout le monde s’en fiche ici de nous »,
se lamente un homme devant notre caméra. Pour rappel, l’industrie de la mode est responsable d’environ 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, avec la fast fashion comme un contributeur majeur.