À l’approche du passage à 2025, la rédaction de TF1info rembobine les douze mois qui viennent de s’écouler.
Retour sur la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, le 26 juillet 2024, qui a marqué les esprits, tombant à pic dans une société française sous tension.

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Jeux olympiques et paralympiques

« Il pleut ». Un constat sonné. Une phrase simple de Thomas Jolly dévoilée dans le documentaire de France 2, « Au cœur des jeux », qui est devenue un « meme » sur les réseaux sociaux. Mais qui, ce matin de 26 juillet 2024, jour de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris retransmise en mondovision, donnait franchement envie de se jeter dans la Seine. Une désolation pour le directeur artistique des JO, en larmes, voyant soudain anéanti tout le travail prévu pour ce jour J. Lui qui avait commencé à plancher sur le scénario de cette cérémonie dès le printemps 2023. 

Un ciel de mauvais augure s’effondrant sur la capitale, au diapason d’un pays sous tension : lignes SNCF sabotées, inquiétude sur la sécurité pour les JO, climat délétère, Aya Nakamura victime d’attaques racistes, on en passe… Ce 26 juillet, tout était prêt, plus rien n’était prêt, tout était à réinventer en quelques heures. Et maintenant, alors que plus d’un milliard de spectateurs dans le monde regardent cette cérémonie tant attendue sur l’écran de télévision, que faire ?

Chansons sous la pluie

« Show must go on », comme dirait Queen. D’emblée, Lady Gaga se lance en interprétant un tableau au bord de la Seine en bustier noir et plumes roses Dior, reprenant Mon truc en plumes de Zizi Jeanmaire, titre emblématique du music-hall français – une séquence pré-enregistrée à cause… de la pluie. 

Un homme masqué échappé du jeu vidéo « Assassin’s Creed » nous guide dans les méandres des références avec la flamme olympique. Un « trouple » tente de convoquer Verlaine et le Jules et Jim de Truffaut… et laisse apparaître de premiers rejets. Aya Nakamura sort de l’Académie française pour chanter ses titres Pookie et Djadja, tout en y intégrant For me formidable de Charles Aznavour, accompagnée par la Garde républicaine. Le groupe de métal Gojira enflamme la Conciergerie avec Marina Viotti, mis en bouche par une Marie-Antoinette décapitée dont la tête entonne le chant révolutionnaire « Ah, ça ira, ça ira, ça ira ! »… 

On en passe, ils sont nombreux, ces tableaux animés, renvoyant à différents pans de culture française, tombant à pic dans une France contrariée par la perspective d’une extrême droite aux portes du pouvoir. Ils s’enchaînent, vivants, provocants, libres, sur le fil… alors que toutes les délégations d’athlètes se préparent en bateau pour saluer la foule. 

Le temps passe, la nuit tombe, la pluie tombe. Pas le temps pour les réalisateurs de passer un coup de chiffon sur la caméra pour enlever ces fichues gouttes de pluie, mais de quoi donner une ambiance apocalyptique, par exemple, à la prestation mélancolico-solitaire de Juliette Armanet interprétant Imagine de John Lennon avec Sofiane Pamart au piano. Entre temps, Philippe Katerine interprète son titre Nu dans le plus simple appareil, peint en bleu, dans un tableau revisitant la Cène avec Barbara Butch et des drag-queens – Jolly expliquera que son inspiration venait en réalité des fêtes païennes. La cloche du spectacle, le point d’orgue. 

Au Parisien, l’artiste répondra aux polémiques en rappelant que, lors des premiers Jeux olympiques en Grèce, « les athlètes étaient nus selon les représentations de l’époque sur les gravures et les vases. La nudité, c’est vraiment l’origine même des Jeux. » Certains s’offusquent, d’autres applaudissent. Les oncles et les tantes vous en reparleront au réveillon.

Un cheval somptueux sur la Seine

Soudain, surgissent les extra tableaux « Unie dans la diversité » et « Obscurité » électrisés par la compagnie de danse Mazelfreten faisant notamment revivre l’Eurodance de l’époque « Dance Machine » des années 90 avec notamment It’s a rainy day de Ice Mc (titre très à propos), en dansant sur la Seine – un « dancefloor » dont on aurait souhaité, chère Madame Hidalgo, qu’il reste à jamais, tous les soirs, jusqu’à plus soif. 

Soudain bis, un cheval mécanique argenté somptueux lancé au galop parcourt la Seine sur six kilomètres d’est en ouest, jusqu’à la tour Eiffel, pour propager le proverbial esprit olympique. Pendant sa chevauchée (un poil longue) d’une dizaine de minutes, des ailes de colombes se déployaient sur différents ponts. Bon nombre d’hypothèses ont été émises sur son identité sur des réseaux sociaux en ébullition – selon le directeur artistique, une incarnation de Sequana, déesse gallo-romaine qui a donné son nom à la Seine et qui est un symbole de résistance. Au terme de cette chevauchée, une cavalière, vêtue d’une cape frappée des anneaux olympiques, a rejoint le Trocadéro, en face de la tour Eiffel, suivie des drapeaux des Comités nationaux olympiques participants, pour apporter le drapeau olympique.

Le miracle Céline Dion

Supernature de Cerrone résonne, fait scintiller le crépuscule. La pluie tombe, toujours, drue. Les stars affluent pour le relais de la flamme olympique. Serena Williams est victime du mal de mer, sous les yeux d’une Nadia Comăneci compatissante. Teddy Riner et Marie-José Perec, avertis le matin même de leur participation, deviennent les derniers relayeurs avant l’allumage de la vasque montée ensuite en montgolfière dans le ciel de Paris. 

Jusqu’au clou du spectacle, de ceux qui filent le vertige pour tout ce qu’il revêt : Céline Dion, atteinte de la maladie incurable du syndrome de la personne raide et qui n’avait pas fait d’apparition sur scène depuis quatre ans, viendra-t-elle ou ne viendra-t-elle pas ? Sous la pluie, elle viendra. Stupeur et tremblements. 

Du haut du premier étage de la tour Eiffel, la chanteuse a bel et bien chanté en direct l’Hymne à l’amour d’Édith Piaf. Les frissons traversent l’écran, éblouis que nous sommes face à cette image folle d’un accomplissement alors que la catastrophe était possible, en direct, sous nos yeux, l’enfer et le paradis dansant dans un flou artistique… 

À tous ces oiseaux de mauvais augure, cette cérémonie-là, aux antipodes de nos sempiternelles cérémonies très compassées et repassées, a vaillamment tenu jusqu’au bout, malgré tous les obstacles dressés devant elle. Tout simplement parce qu’elle a été pensée comme de simples et puissantes célébrations de l’amour face à l’horreur du monde, de l’art comme force transcendante et de l’inclusivité pour l’union fasse la force. Pas une averse d’ennui, mais une averse de pluie… et d’amour, y compris dans les réactions dans la presse le lendemain où les superlatifs ont « plu » – nos confrères du Soir parlant à juste titre d’un « uppercut aux déclinistes ».


Romain LE VERN

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