Le parquet général de la cour d’appel de Paris a annoncé, vendredi 31 janvier, à l’Agence France-Presse, avoir formé un pourvoi après l’abandon des poursuites pour génocide sur la minorité yézidie visant une « revenante » française de Syrie. « Le parquet général de la cour d’appel de Paris a formé un pourvoi estimant, notamment, que la qualification pénale de génocide pouvait être retenue à l’encontre de l’accusée », a-t-il expliqué.
La chambre de l’instruction avait ordonné, le 22 janvier, que Sonia Mejri, 35 ans, soit jugée devant la cour d’assises spéciale pour complicité de viols constitutifs de crimes contre l’humanité, imputés à son ex-mari Abdelnasser Benyoucef, et pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Les juges ont ainsi abandonné les qualifications, comme autrice principale, de génocide et de crimes contre l’humanité. Son ex-compagnon, un émir de l’organisation Etat islamique, présumé mort en 2016 et visé par un mandat d’arrêt, sera, lui, jugé par défaut pour génocide et crimes contre l’humanité sur la minorité yézidie.
Pour Nabil Boudi, avocat de Sonia Mejri, « le parquet général veut sauver coûte que coûte cette procédure ». Il dénonce une « obstination » pour « des raisons politiques ». « La théorie de la défense a été confirmée par l’arrêt [de la chambre de l’instruction], motivé en droit et en faits : les charges sont inexistantes », a-t-il ajouté, annonçant former également un pourvoi pour contester les poursuites pour complicité de crimes contre l’humanité.
Déclarations « évolutives et parfois incohérentes »
En septembre 2024, un juge d’instruction avait ordonné le renvoi d’Abdelnasser Benyoucef et de Sonia Mejri pour infractions terroristes ainsi que pour génocide et crimes contre l’humanité, les soupçonnant d’avoir réduit en esclavage, au printemps 2015, une adolescente yézidie. Selon l’ordonnance de mise en accusation consultée par l’AFP, Sonia Mejri était « la garante de [son] enfermement » : elle détenait la clef de l’appartement et portait une arme pour la dissuader de fuir. Cette ordonnance n’avait pas été signée par la seconde magistrate chargée des investigations et spécialisée dans les contentieux de crimes contre l’humanité, signe de son désaccord.
La défense de Sonia Mejri avait fait appel, estimant que les investigations n’avaient pas permis d’établir d’acte matériel de génocide, d’intention génocidaire, ni d’acte de provocation ou d’aide à commettre ces crimes. Elle évoquait aussi des déclarations « évolutives et parfois incohérentes » de la jeune Yézidie, retrouvée par les enquêteurs. Selon une source proche du dossier, la procédure manquait « d’éléments tangibles » pour attribuer à Sonia Mejri une « intention génocidaire » et un rôle de « rouage tangible » de ces exactions planifiées.
Sonia Mejri avait quitté la France, où elle gérait un snack à Romans-sur-Isère, dans la Drôme, en septembre 2014, pour se rendre en Syrie dans le territoire du pseudo-califat de l’organisation Etat islamique. Elle y avait épousé, peu après son arrivée, Abdelnasser Benyoucef, également connu sous le nom de guerre d’Abou Al-Mouthana, avec lequel elle a eu deux enfants.