La tache est apparue au mois de mai. Au bas de la façade de la cathédrale Saint-Louis de Saint-Louis du Sénégal, l’enduit sable a viré au gris. Au fil des jours et de sa lente remontée, le curé de la paroisse, Jean-Louis Coly, a dû se rendre à l’évidence : les eaux souterraines repartaient à l’assaut de la plus vieille église subsaharienne, dont la première pierre a été posée en 1827. « Un crève-cœur, moins de quatre ans après la fin de sa rénovation intégrale », soupire le religieux, inquiet. Sur l’île de Saint-Louis, qui abrite la ville historique, les eaux salines du fleuve Sénégal s’insinuent partout, mais les habitants du lieu font leurs affaires sans trop s’y arrêter, habitués qu’ils sont aux caprices de leur « Venise africaine ».

A pied, sur des motos pétaradantes ou dans des véhicules parfois hors d’âge, ils se hèlent, klaxonnent, évitant les petits groupes de talibés, ces gamins sans famille qui mendient pour manger. Autour d’eux, ocre ou beiges, fleuries de lauriers roses ou verdies de palmiers, les façades des nobles bâtisses coloniales, alignées selon un sage plan quadrillé, se désagrègent lentement sous l’action du salpêtre. Sur les murs, des fissures dessinent des lignes rappelant les lézards géants qui traînent au bord du fleuve, sans entamer la dignité de ces beaux restes d’une architecture d’exception, inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco.
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