C’est le genre de chiffres qui font figure de bonne nouvelle, dans le chemin semé d’embûches de la transition écologique : à la toute fin 2022, les achats de bus électriques en France ont connu une hausse spectaculaire, passant d’une moyenne de 50 par mois à 300 en janvier 2023. Ce boom, aussi éphémère que mystérieux, trouve aujourd’hui une explication : il résulte d’une escroquerie massive au détriment de l’Etat, facilitée par les failles du système public d’immatriculation des véhicules.
Selon l’enquête du Monde, plus de la moitié des quelque 600 bus électriques immatriculés entre novembre 2022 et janvier 2023 n’existaient vraisemblablement pas. De nombreux éléments laissent à penser qu’ils ont fait l’objet de déclarations fictives visant à récupérer des subventions accordées par le gouvernement pour l’électrification du parc des véhicules lourds. Selon nos estimations, jusqu’à 12 millions d’euros auraient pu ainsi être soustraits aux finances publiques par ces fraudes, que le ministère de l’écologie a bien reconnues auprès du Monde, tout en affirmant que les services de l’Etat ont rapidement détecté ces escroqueries, de sorte que « les montants fraudés sont restés bien inférieurs à 10 millions d’euros ».
Cette fraude trouve son origine dans le plan France Relance, déployé fin 2020 par le gouvernement pour relancer l’économie, durement frappée par la pandémie de Covid-19 et les confinements, tout en finançant des investissements d’avenir. Pour encourager le verdissement des transports, 100 millions d’euros sont alors débloqués pour financer une prime écologique à l’achat de poids lourds et de bus électriques, pouvant aller, pour ces derniers, jusqu’à 30 000 euros par véhicule.
Usurpation d’identité
Pendant un an et demi, l’agence de services et de paiements (ASP) instruit sans encombre les dossiers de subvention pour débloquer les aides. Mais le nombre de demandes flambe subitement à l’approche de 2023. Des dizaines de sociétés déclarent avoir acheté des bus électriques, parfois par lot de trois ou quatre, d’autres fois par quinzaines.
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