Les mots sont des pistolets chargés, disait Sartre. En promettant dès son arrivée à Matignon des « ruptures », sur le fond et sur la forme, le premier ministre Sébastien Lecornu a tiré. Mais a-t-il mesuré, le 10 septembre, la portée de cet engagement ? S’il permet de s’affranchir du passé, il oblige aussi à honorer cette promesse pour l’avenir. Slogan qui claque pour tout ambitieux arrivant aux affaires, la rupture revient en boomerang lorsqu’elle n’est pas consommée.

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La portée du mot choisi par le nouveau premier ministre n’a d’ailleurs pas échappé à l’Elysée, qui s’est immédiatement chargé d’en préciser les limites : la rupture promise par Sébastien Lecornu ne devait être entendue que par rapport à son prédécesseur, François Bayrou, et nullement par rapport à Emmanuel Macron.

La rupture sur le fond, la plus difficile, était ainsi d’emblée circonscrite : l’ancien ministre des armées, chargé par le chef de l’Etat de « consulter les forces politiques représentées au Parlement en vue d’adopter un budget », travaillait depuis un mois sous l’étroite surveillance d’Emmanuel Macron. Au plus bas dans les sondages, reclus dans son palais, celui-ci s’est gardé d’intervenir publiquement et faisait mine de laisser le premier ministre manœuvrer librement. Sébastien Lecornu avait beau se dire « libre parce que loyal », tout renoncement aux « fondamentaux » du macronisme était exclu.

La situation financière du pays réduisait elle aussi considérablement les marges de manœuvre du chef de gouvernement, comme celles de ses deux prédécesseurs Michel Barnier et François Bayrou. Dans un pays où la dette publique dépasse les 3 400 milliards d’euros (soit 115,6 % du produit intérieur brut), « l’effort devra porter essentiellement sur la réduction de la dépense publique », prévenait déjà Sébastien Lecornu dans sa « feuille de route gouvernementale », adressée aux partis du « socle commun ». Car les marchés surveillent la France, tout comme la Commission européenne. Alors que les oppositions s’affranchissaient allègrement du contexte budgétaire, le budget Lecornu avait toutes les chances de ressembler au budget Bayrou, et ne pouvait en aucune façon constituer une rupture, ni avec celui de ses prédécesseurs, ni avec la ligne politique du chef de l’Etat.

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