Les sénateurs ont instauré mercredi une « contribution de solidarité par le travail » afin de renflouer la Sécurité sociale.
Elle consiste à faire travailler sans rémunération tous les actifs pendant sept heures de plus par an.
L’amendement voté par les sénateurs n’est toutefois pas assuré de voir le jour.

Suivez la couverture complète

La France vit-elle au-dessus de ses moyens ?

Faire travailler tous les actifs sans rémunération pendant sept heures de plus par an afin de renflouer la Sécurité sociale. C’est la mesure choc adoptée mercredi 20 novembre par le Sénat , après des débats électriques tenus à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. La chambre haute a approuvé cette mesure à 216 voix contre 119. Si les sénateurs de droite et du centre y étaient favorables, la gauche s’est quant à elle opposée.

Que proposent les sénateurs ?

Le texte du Sénat fait écho au débat sur la suppression d’un deuxième jour férié – qui anime le gouvernement et les parlementaires depuis plusieurs semaines – mais propose un dispositif plus « souple ». Il laisse ainsi la main aux partenaires sociaux pour décliner les modalités de la mise en place de cette « contribution de solidarité par le travail » : un jour par an, « dix minutes par semaine », « deux minutes par jour »…

La mise en place concrète de ce temps serait définie par un accord d’entreprise ou de branche. En contrepartie de cette « contribution de solidarité par le travail », les employeurs devraient reverser le salaire qu’ils n’ont pas eu à verser dans le cadre d’une « contribution de solidarité pour l’autonomie » (CSA), comme ils le font déjà pour la première journée de solidarité. Le montant de cette CSA dont ils doivent s’acquitter, qui s’élève aujourd’hui à 0,3% de leur masse salariale, serait porté à 0,6%, selon l’amendement présenté par la sénatrice Élisabeth Doineau (nouvelle fenêtre) (Union centriste) au nom de la commission des Affaires sociales. 

« Nous ne faisons pas cette proposition de gaité de cœur », mais « aujourd’hui, il nous faut trouver des moyens » pour « financer le mur du grand âge, le virage domiciliaire et la transformation de nos Ehpad », a expliqué Élisabeth Doineau durant les débats. Cette « contribution de solidarité par le travail » est censée rapporter 2,5 milliards d’euros chaque année au secteur de l’autonomie.

Est-ce différent de la première journée de solidarité ?

Le principe voté par les sénateurs s’inspire fortement de la journée de solidarité durant laquelle les salariés travaillent gratuitement sept heures. Ce dispositif a été mis en place par une loi du 30 juin 2004 (nouvelle fenêtre), à peine un an après la canicule meurtrière qui a frappé la France. « Une journée de solidarité est instituée en vue d’assurer le financement des actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées ou handicapées. Elle prend la forme d’une journée supplémentaire de travail non rémunéré pour les salariés », indique l’article L. 212-16. Tous les salariés relevant du Code du travail (et ceux relevant du Code rural) sont concernés. 

Dans la majorité des cas, c’est le lundi de Pentecôte qui fait office de jour travaillé non rémunéré. Toutefois, certains secteurs ou firmes peuvent choisir une autre date en l’intégrant dans les accords collectifs. Le cas échéant, il doit s’agir d’« un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai » ou d’« un jour précédemment non travaillé en application de dispositions conventionnelles ou des modalités d’organisation des entreprises ».

L’amendement voté mercredi au Sénat vise donc à doubler le temps de travail « gratuit » annuel des personnes en emploi, dans le secteur privé comme dans les fonctions publiques, de sept à quatorze heures. Certains sénateurs auraient même voulu aller encore plus loin. Comme l’a repéré Public Sénat (nouvelle fenêtre), le centriste Michel Canévet a plaidé mercredi pour porter le nombre d’heures de solidarité annuelles, non pas à 14 heures mais à 25 heures. 

Cette mesure peut-elle voir le jour ?

Le maintien de cet amendement au PLFSS dans la version finale du projet de loi est cependant incertain, puisque le gouvernement s’est dit défavorable à cette proposition sous cette forme « à ce stade ». Le ministre des Comptes publics Laurent Saint-Martin a estimé que la mesure ne devait pas être actée ainsi au détour d’un amendement. Mais « que cela puisse être retravaillé avec les partenaires sociaux, je pense que ça peut être une bonne idée », car ce serait « hypocrite de rejeter ce débat d’un revers de main », a-t-il déclaré. L’avis rendu mercredi par le gouvernement a donc été défavorable.

Les avis divergent au sein de l’exécutif sur ce sujet explosif. Sur LCI, le 27 octobre , le ministre de l’Économie et des Finances Antoine Armand avait estimé que l’instauration d’une deuxième journée de solidarité était une « proposition très intéressante ». De son côté, le Premier ministre Michel Barnier s’est montré « très réservé » à l’idée de supprimer un jour férié (nouvelle fenêtre) ou d’augmenter la durée de travail annuelle de sept heures. Une initiative qu’il considère « complexe à mettre en oeuvre » et dont il n’est « pas sûr qu’elle rapporte ce que certains prétendent », a-t-il indiqué le 14 novembre dans une interview à Ouest-France (nouvelle fenêtre).

L’amendement voté par les sénateurs mercredi n’est donc pas définitif et rien n’indique qu’il verra le jour. Cette mesure sera débattue la semaine prochaine lors d’une commission mixte paritaire (CMP) réunissant députés et sénateurs, chargés de trouver un compromis. 


Julien CHABROUT (avec AFP)

Partager
Exit mobile version