Jamais, depuis que l’extrême droite s’est enracinée dans une partie de l’opinion, la France n’a paru plus proche de la falaise. Non celle de l’endettement, dénoncé en août par le déjà oublié François Bayrou, mais celle, historique, que constituerait un basculement du pays dans un régime fondé sur la xénophobie et la répression.
Pendant que la vie politique poursuit son interminable apnée dans un débat budgétaire lunaire, une série d’événements, depuis la commémoration des attentats de 2015 jusqu’à l’assassinat de Mehdi Kessaci, alimente la machine à peurs qui produit des votes pour le Rassemblement national. Le premier a ravivé la mémoire d’une décennie sanglante d’attentats islamistes qui, s’ils n’ont pas fait flancher la France, l’ont marquée ; quant au « crime d’intimidation » de Marseille, il signe l’incapacité de l’Etat à protéger les citoyens de la dérive mafieuse des narcotrafiquants et l’irruption de ces derniers dans la sphère de la menace politique.
Dans ce lourd contexte où la droite et une partie du patronat lorgnent de plus en plus ostensiblement Marine Le Pen et Jordan Bardella, la gauche socialiste se félicite des réelles concessions obtenues sur le budget. Mais que pèseront-elles, lors des débats qui, d’ici à dix-huit mois, détermineront l’issue de l’élection présidentielle ? La gauche paraît globalement davantage préoccupée par les sondages et par la question des primaires que par la nécessité de répondre aux questions qui, outre le pouvoir d’achat, tout premier souci des Français, taraudent ces derniers : la délinquance et l’immigration, deux sujets qui arrivent en deuxième place au classement des préoccupations de l’enquête du Monde « Fractures françaises », devançant cette année l’environnement.
Que ces sujets soient exploités et manipulés par des responsables politiques et des commentateurs qui déversent leur bile et leurs analyses biaisées en flot continu dans plusieurs médias relève de l’évidence. Mais que l’immigration, l’islam et l’insécurité – l’amalgame qui constitue leur fonds de commerce – pèsent lourdement dans les avancées de l’extrême droite, il faudrait être aveugle à ce qui se passe dans tous les pays développés, des Etats-Unis à l’Allemagne et du Royaume-Uni au Japon, pour ne pas le voir. Or la gauche française peine à regarder cette réalité en face, au point de nier certains faits.
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