Ibtihal et sa famille sont rentrées chez elles en janvier, dans la ville dévastée par la guerre de Deraa, dans le sud de la Syrie, après plus d’une décennie d’exil en Jordanie. Leur maison portait encore les stigmates du conflit : murs fissurés, fenêtres brisées, réservoirs d’eau endommagés… Le mari d’Ibtihal nous montrait aussi un trou dans le toit, causé par un obus. Il n’y avait ni électricité ni lumière. Avec l’aide de leurs voisins, ils s’attelaient, pierre après pierre, à reconstruire leur foyer. Malgré les destructions, ils étaient fous de joie d’être de retour. « Quand je suis arrivée, j’ai été choquée par l’état du pays tout entier, nous confiait alors Ibtihal. Mais j’ai une grande foi en Dieu que la Syrie sera un jour reconstruite. »
Au cours du même mois, à Amman, la capitale jordanienne, j’ai vu d’autres réfugiés charger leurs valises dans des bus, prêts à prendre le chemin du retour : un jour qu’ils n’auraient jamais cru voir arriver, après quatorze années de guerre. Ces moments où des personnes contraintes à l’exil peuvent enfin rentrer chez elles comptent parmi les plus marquants pour ceux qui, comme moi, travaillent au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés [HCR]. Alors que les déplacements forcés atteignent des niveaux inédits, nous avons aujourd’hui une occasion rare d’aider les Syriens à reconstruire leur vie. C’est aussi une opportunité inattendue de promouvoir la paix et la stabilité en Syrie et dans la région. Mais cette fenêtre ne restera pas ouverte indéfiniment.
Depuis la chute du président Bachar Al-Assad début décembre 2024, nous estimons qu’un million de Syriens sont déjà rentrés chez eux, qu’ils soient revenus d’autres pays ou d’autres régions de Syrie. Beaucoup comptent suivre ce mouvement : dans une enquête récente que nous avons menée, 27 % des réfugiés ont exprimé leur intention de rentrer dans l’année à venir, contre moins de 2 % avant ce tournant historique.
Mais quatorze années de chaos et de violence ont laissé le pays en ruine. L’ampleur de la destruction est indescriptible. Rien n’a été épargné : logements, écoles, hôpitaux, bureaux, routes, centrales électriques, stations d’épuration… Les services de base – eau, électricité, gestion des déchets – sont extrêmement limités, voire inexistants. Dans de telles conditions, les gens s’interrogent : comment survivre ? Comment subvenir aux besoins du quotidien ?
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