• L’incursion de drones sur le sol polonais en début de semaine met en lumière les faiblesses de la défense anti-aérienne de l’Otan.
  • Les alliés de Varsovie se sont d’ores et déjà tournés vers l’Ukraine, où un système a été développé depuis plusieurs mois.
  • Des milliers de capteurs acoustiques ont été déployés sur le territoire pour repérer les drones ou les missiles russes avant de les neutraliser.

Des drones russes violent l’espace aérien polonais

Des drones russes violent l’espace aérien polonais

Branle-bas de combat dans les rangs de l’Otan. Dans le sillage de l’intrusion d’une vingtaine de drones russes en Pologne dans la nuit de mardi 9 à mercredi 10 septembre, la défense anti-aérienne du flanc Est des alliés vacille. Et pour cause : seuls trois appareils ont été abattus. En cause, un dispositif obsolète conçu pour frapper des avions ou des missiles, mais à la peine face à des vagues de petits engins à moindre coût. Face à un front mouvant, les Européens cherchent la parade en se tournant vers… l’Ukraine.

Le chancelier allemand, Friedrich Merz, le reconnaît lui-même : « Les défenses anti-aériennes de l’Europe et de l’Otan ont fonctionné mais pas aussi bien qu’elles auraient dû pour empêcher la pénétration d’un aussi grand nombre de drones ». En effet, la protection d’un espace aérien ne consiste pas à ériger un mur infranchissable, mais à défendre des points stratégiques par une bulle de protection où tout aéronef ou missile doit être intercepté par la défense sol-air. Le système américain Patriot a par exemple une portée d’interception d’une centaine de kilomètres contre les avions, comme le SAMP/T franco-italien, et d’une vingtaine de kilomètres contre les missiles balistiques.

Des milliers de capteurs répartis sur le territoire ukrainien

Problème : neutraliser des drones bon marché avec des munitions tirées par des avions de chasse valant des fortunes n’est pas viable sur le long terme. « Si nous, les pays occidentaux, devons tirer sur des cibles à 10.000 dollars avec des missiles à un million de dollars, un jour nous perdrons« , résumait en 2023 l’amiral français Pierre Vandier, devenu depuis commandant suprême pour la transformation des forces de l’Otan (SAC-T). « L’utilisation de F-35 et de F-22 contre des drones montre que nous ne sommes pas encore prêts« , renchérit mercredi sur X l’ancien commandant de l’armée américaine en Europe, le général Ben Hodges.

Comment contrer les drones russes à moindre coût ? Kiev a déjà planché sur le sujet et s’est tourné vers la détection acoustique en guise de réponse. Deux systèmes ont ainsi été développés ces derniers mois : « Sky Fortress » et « Zvook ». Élaborés dans le cadre de la plateforme de défense soutenue par le gouvernement ukrainien qui réunit des start-up et des experts militaires, il s’agit dans les deux cas de déployer des centaines de capteurs acoustiques. Ces derniers vont enregistrer le son des appareils russes pour savoir s’il s’agit d’un missile de croisière, un missile longue portée ou un drone. Les données sont aussitôt transmises par radar à des troupes mobiles sur le terrain afin de neutraliser la menace avec des batteries mobiles.

Ces détecteurs pullulent désormais en Ukraine. Sky Fortress en aurait installé environ 14.000, Zvok couvrant pour sa part 5% du territoire selon UNITED24Media (nouvelle fenêtre). Ces antennes d’environ 2 mètres coûtent entre 400 et 1.000 dollars, un cout important mais sans comparaison avec celui d’un seul missile Patriot (environ 3,5 millions de dollars).

Comme l’explique le média, ce déploiement de capteurs acoustiques s’est révélé d’une redoutable efficacité. Le dispositif a permis à l’armée de Kiev d’intercepter 80 des 84 drones russes entrants lors d’une récente attaque majeure. Les Américains, eux, auraient décidé dans la foulée de tester cette technique sur leur base de Ramstein, en Allemagne. Selon Le Monde (nouvelle fenêtre), environ 600 capteurs acoustiques ont été achetés par l’Otan à l’Ukraine pour être testés en Estonie.

La Commission européenne, elle aussi, semble décidée à muscler son jeu. Sa présidente, Ursula von der Leyen, a appelé mercredi le Vieux Continent à se doter « de moyens stratégiques indépendants« , notamment avec un « Wall of Drones » : des appareils prédisposés autour d’un site sensible qui, en cas de menace, prennent leur envol pour former une barrière dans le ciel. La dirigeante l’assure : « L’Europe défendra chaque centimètre carré de son territoire« .

Thomas GUIEN

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