S’opposer à la poursuite de la guerre qui ravage la bande de Gaza ou s’inquiéter de l’impasse de la politique d’Israël n’est pas le propre d’une « communauté » ou d’une « identité », ni en soi une expression d’antisémitisme. Il n’est pas besoin d’être arabe pour s’indigner du massacre de civils. Ni d’être juif pour être fondamentalement attaché à l’existence de l’Etat d’Iraël. Dans un pays comme la France, qui réunit les plus grandes communautés juive et arabe d’Europe, une identification de la première à la politique de Benyamin Nétanyahou et de la seconde à celle du Hamas est non seulement fausse, mais terriblement dangereuse. Les événements d’Amsterdam, lors du match de football entre le Maccabi-Tel Aviv et l’Ajax du 7 novembre, marqués par des heurts racistes provoqués par des supporteurs israéliens et d’insupportables agressions antisémites, sonnent comme un sérieux avertissement.

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Pour des Européens, quelles qu’en soient les circonstances, des scènes de chasse à l’homme juif dans la ville d’Anne Frank ne sauraient constituer un événement comme un autre. Mais elles ne peuvent pas être analysées indépendamment de la guerre en cours au Proche-Orient. Surtout lorsque le premier ministre israélien s’en empare pour tenter de faire oublier les slogans antiarabes proférés à Amsterdam et qualifie d’« antisémites » des attaques contre sa politique, comme il vient de le faire après l’émission par la Cour pénale internationale (CPI), jeudi 21 novembre, d’un mandat d’arrêt le visant.

« Le fait est que beaucoup de gens dans le monde refusent d’accepter qu’Israël renvoie Gaza (…) à l’âge de pierre », estime Ehud Olmert, ancien premier ministre israélien, selon des propos rapportés par l’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman. Se focaliser sur les racines anciennes de l’antisémitisme en ignorant l’effet causé par les images de dévastation de Gaza, commente ce dernier, est « la chose la plus dangereuse que les juifs du monde entier peuvent faire aujourd’hui ».

Multiples instrumentalisations

Tenir compte à la fois de l’indignation suscitée par les dizaines de milliers de morts palestiniens causés par l’offensive israélienne et des peurs liées à la vague d’actes antisémites constatée depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023 est particulièrement nécessaire en France. C’est aussi spécialement compliqué du fait des multiples instrumentalisations politiques dont fait l’objet le conflit. Tandis que La France insoumise (LFI) se sert de la tragédie de Gaza pour flatter l’électorat issu de l’immigration maghrébine, le Rassemblement national (RN) l’utilise en sens inverse pour stigmatiser l’immigration et l’islam, voire pour faire les yeux doux aux électeurs juifs. On imagine l’horreur que constituerait, dans ce contexte, un second tour de présidentielle entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. D’autant que la manipulation ne porte pas seulement sur la guerre au Proche-Orient, mais sur l’antisémitisme.

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