Et si la France changeait de Constitution ? Cette idée, défendue hier par François Mitterrand et aujourd’hui par Jean-Luc Mélenchon, gagne du terrain depuis les élections législatives de 2022, et plus encore depuis la dissolution de l’Assemblée nationale de juin 2024 : si les institutions créées en 1958 par le général de Gaulle ont résisté au putsch des généraux (1961), à la mort de Georges Pompidou (1974), à deux vagues d’attentats (1995 et 2015) et au Covid-19 (2020), elles sont aujourd’hui fragilisées par l’éclipse du « fait majoritaire », ce petit miracle politique qui, de 1962 à 2022, avait toujours fait émerger une majorité à l’Assemblée nationale.
Sa disparition a engendré une crise politique et, parfois, une aspiration à un changement de Constitution, que Carolina Cerda-Guzman, maîtresse de conférences en droit public à l’université de Bordeaux, analyse dans Sortir de la Ve (Détour, 158 pages, 15,90 euros). Certes, admet-elle, l’impasse née de la dissolution ne saurait, à elle seule, justifier une révolution institutionnelle, mais elle « met à nu », selon elle, des failles anciennes : si la machinerie déséquilibrée de la Ve République fonctionne depuis 1958, c’est parce qu’une ou plusieurs institutions, le plus souvent le Parlement, ont renoncé à utiliser à plein les pouvoirs qui leur sont dévolus – une situation dont nul ne saurait se réjouir.
« Fabrique citoyenne »
Plus qu’un nouveau texte fondateur, la constitutionnaliste propose, dans cet ouvrage clair et pédagogique, une méthode et surtout un principe : « permettre un exercice effectif et constant de la citoyenneté ». S’inspirant des processus constituants mis en place au cours de l’histoire, Carolina Cerda-Guzman préconise d’aménager la méthode du « sablier » élaborée en 1995 par le politiste et philosophe norvégien Jon Elster – un large référendum sur le principe du changement de Constitution, puis une assemblée chargée de la rédaction du nouveau texte, enfin un référendum pour l’approuver.
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