L’hostilité quasi unanime suscitée par le projet de budget présenté, jeudi 10 octobre, en conseil des ministres par Michel Barnier en dit long aussi bien sur l’état des comptes publics que sur la situation politique du pays. Le premier ministre propose un ajustement budgétaire de 60 milliards d’euros pour 2025, avec un tiers d’augmentations d’impôts et deux tiers d’économies, dont la répartition ne fait pas consensus. Le Haut Conseil des finances publiques a retenu une lecture différente, qui aboutit à porter l’effort fiscal à 70 % de la charge. De quoi cliver un peu plus le débat au moment où chacun est placé devant la gravité de la situation budgétaire.

La responsabilité de la majorité sortante est aveuglante. Par dogmatisme, Emmanuel Macron n’a pas voulu voir la catastrophe venir. Le « ni-ni » présidentiel – ni hausse d’impôts ni baisse des dépenses – a conduit le pays dans une impasse. En moins d’un an, le déficit public a dévissé de 52 milliards d’euros par rapport au projet de loi de finances initial. Loin de reconnaître cette responsabilité, Ensemble pour la République se permet de donner des leçons au premier ministre en lui reprochant de rompre avec la politique de l’offre.

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Les oppositions ont aussi beau jeu de s’offusquer de la situation alors qu’elles n’ont pas montré une grande force de proposition pour modérer une politique du « quoi qu’il en coûte » devenue dangereuse au regard d’une dette qui atteint 110 % de la richesse nationale.

Recourir à des expédients

Michel Barnier est accusé par certains d’imposer une « politique d’austérité », oubliant que le projet de loi de finances prévoit une augmentation des dépenses publiques de 2,1 % face à une inflation de 1,8 %. La stratégie ne consiste donc qu’à ralentir une hausse dont le rythme n’est plus soutenable, tout en activant le levier fiscal que la gauche réclame et qui est la façon la plus rapide pour faire rentrer l’argent dans les caisses.

D’autres estiment que les propositions n’attaquent pas les problèmes à la racine, en ne faisant qu’appliquer la technique du « rabot budgétaire ». C’est en partie vrai. Mais au regard de la situation, Michel Barnier n’a pas d’autre choix que de recourir à des expédients. Il a dû élaborer un budget dans l’urgence, sans avoir eu le temps de préparer les esprits aux efforts, et surtout sans légitimité démocratique, ni majorité pour le soutenir.

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Dans ce contexte, recourir à une hausse des prélèvements était difficilement évitable, d’autant plus que l’argent du « quoi qu’il en coûte » a permis de sauvegarder l’emploi et le pouvoir d’achat. Entreprises et ménages en ont profité indistinctement, quelle que soit leur situation financière. Il est logique que les plus favorisés, qui en ont bénéficié au même titre que ceux qui en avaient davantage besoin, participent à son remboursement.

On peut discuter à l’infini sur le dosage entre recettes et dépenses, mais il faut que chacun prenne conscience que le dérapage incontrôlé du déficit et le poids de la dette sont directement liés à l’incapacité de financer correctement le modèle social que chacun cherche à juste titre à préserver. Personne, hélas, n’a la légitimité pour engager le débat sur le sujet, si bien que la tâche qui échoit à Michel Barnier dans les pires conditions politiques est à la fois ingrate, minimale, mais indispensable : rétablir un semblant de crédibilité budgétaire vis-à-vis de nos partenaires européens et de nos créanciers.

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Le Monde

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