Des membres de l’armée soudanaise, le 14 août 2023, dans l’Etat de Gedaref, frontalier de l’Ethiopie.

Les autorités américaines ont imposé ce week-end des sanctions au gouvernement soudanais en raison de son recours aux armes chimiques dans la guerre qui l’oppose aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), selon des documents officiels. Le département d’Etat américain avait accusé en mai dernier Khartoum d’y avoir eu recours en 2024.

Ce n’est pas la première fois que ce pays d’Afrique politiquement instable depuis son indépendance en 1956 fait l’objet de telles accusations.

Les accusations de Washington

Dans une note datée de vendredi, le département d’Etat a confirmé l’entrée en vigueur pour au moins un an de sanctions contre le gouvernement soudanais, dont l’aide humanitaire d’urgence et les produits agricoles sont exemptés.

« Le gouvernement soudanais a utilisé ses armes chimiques en 2024 », disait le département d’Etat, dans un communiqué publié le 22 mai, sans préciser ni lieu ni dates. Selon Washington, le Soudan a ainsi violé la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, qu’il a ratifiée en mai 1999. Le gouvernement soudanais a nié ces accusations, qu’il dit « sans preuve » et « sans fondement ».

Les sanctions incluent des restrictions d’accès aux crédits du gouvernement américain et des limitations des exportations américaines vers le Soudan.

Des soupçons persistants

En janvier, le New York Times, citant quatre sources officielles américaines anonymes, avait écrit que l’armée soudanaise avait utilisé des armes chimiques à deux reprises au moins contre les paramilitaires des FSR. L’agent chimique utilisé avec l’aval direct du chef d’état-major de l’armée, le général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, serait du chlore, selon les sources citées par le quotidien.

En 2016, Amnesty International avait déjà accusé les forces armées d’avoir mené au moins 30 attaques chimiques dans la région du Darfour, lors d’une offensive contre les rebelles de l’Armée de libération du Soudan (ALS). Khartoum avait alors nié en bloc. Amnesty avait demandé une enquête aux Nations unies, sans résultat.

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En 1998, les Etats-Unis avaient affirmé que l’usine pharmaceutique Al-Shifa de Khartoum produisait des composants chimiques pour le compte d’Al-Qaida, avant de bombarder le site. Washington n’a jamais étayé ses accusations, qui n’ont fait l’objet d’aucune enquête.

Deux ans de conflit sanglant

La guerre qui déchire le Soudan depuis avril 2023 a fait des dizaines de milliers de morts et plus de 13 millions de déplacés. Selon l’ONU, il s’agit de « la plus grande crise humanitaire actuelle ». Le conflit est né de la rivalité entre le général Al-Bourhane et son ancien bras droit, le général Mohammed Hamdan Daglo, brièvement alliés pour écarter les civils du pouvoir et former une équipe de transition militaire après la chute du président Omar Al-Bachir, en 2019.

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Relations diplomatiques houleuses avec les Etas-Unis

Les relations entre le Soudan et les Etats-Unis ont été conflictuelles sous la présidence d’Omar Al-Bachir, arrivé au pouvoir en 1993 avec l’appui des islamistes et accusé de soutien au terrorisme. Des sanctions américaines imposées au début des années 1990 ont été renforcées en 2006-2007, après des accusations de « génocide » dans la région du Darfour.

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La chute d’Omar Al-Bachir a été suivie d’un certain réchauffement, jusqu’à ce que la « guerre des généraux » ravage à nouveau le pays. En janvier, les Etats-Unis ont imposé des sanctions financières aux deux principaux acteurs du conflit, en accusant le général Daglo de « génocide » et son rival de viser des infrastructures civiles et d’utiliser « la privation de nourriture comme tactique de guerre ».

Washington était le plus grand donateur du Soudan en 2024. Sa contribution représentait 45 % des 1,8 milliard de dollars mobilisés dans le cadre du plan d’intervention humanitaire des Nations unies. En janvier, l’administration Trump a suspendu pour quatre-vingt-dix jours la majorité des aides accordées aux pays étrangers, n’autorisant que les programmes d’urgence vitaux. Les exportations américaines vers le Soudan ont représenté 56,6 millions de dollars en 2024, selon les données du Bureau américain du recensement.

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Le Monde avec AFP

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