L’Agence de sécurité du médicament (ANSM) a demandé aux laboratoires pharmaceutiques qui commercialisent des médicaments psychoactifs de modifier leur odeur, texture, arôme ou couleur.
Puisque ceux-ci restent majoritairement impliqués dans les affaires de soumission chimique, il s’agit de les rendre plus détectables.
Ils ont « moins de six mois » pour répondre à cette demande.
Il y a tout juste un mois, la cour criminelle du Vaucluse rendait le verdict du retentissant procès des viols de Mazan. Dans le sillage de cette affaire, qui a ouvert le regard de la société sur l’ampleur du fléau de la soumission chimique, l’Agence de sécurité du médicament (ANSM) a demandé aux laboratoires pharmaceutiques qui commercialisent les médicaments psychoactifs de « mettre en place des mesures pour limiter leur détournement ». Ces produits restent en effet majoritairement impliqués dans la soumission chimique, plus que certaines drogues illégales, indique une enquête annuelle présentée juste avant Noël, au lendemain du verdict du procès Mazan.
« Les agresseurs utilisent des substances inodores, incolores, insipides, solubles dans l’eau, pour piéger la victime », observe Leïla Chaouachi, fondatrice du Centre de référence sur les agressions facilitées par les substances et rapporteure de cette enquête.
Cela conduit à réfléchir à « des mesures systématiques, pour les grandes classes de médicaments qui ont toujours été identifiées comme agents de soumission chimique », indique-t-elle.
« De la galénique pure »
Ceux considérés comme le plus à risque sont les benzodiazépines aux effets sédatifs et anxiolytiques, les antihistaminiques et les opioïdes. Ces substances sont utilisées notamment pour leurs propriétés sédatives. Le bromazépam (très connu en France sous le nom Lexomil), arrive en première position, suivi du tramadol, de la codéine, de la zopiclone et de l’hydroxyzine.
Modifier l’odeur, la texture, l’arôme ou la couleur du médicament… les laboratoires pharmaceutiques ont « moins de six mois » pour « mettre en place des mesures pour limiter leur détournement » et répondre à la demande de l’ANSM, selon le syndicat professionnel des entreprises du médicament (Leem).
Plusieurs groupes pharmaceutiques interrogés par l’AFP confirment travailler à « des propositions de solutions ». Les techniques à explorer incluent des colorants, à l’image de la coloration bleue ajoutée il y a une dizaine d’années au Rivotril buvable, un antiépileptique à prescription restreinte de la classe des benzodiazépines, pour limiter son utilisation criminelle. Mais aussi des amérisants (des substance apportant de l’amertume), des gélifiants, des traceurs : « on est vraiment sur de la galénique pure », décrit le Leem, et « tout n’aboutira pas ».
« Des mesures de réduction des risques »
Pour tout changement de formule, les industriels doivent s’assurer que l’efficacité du médicament et sa tolérance sont préservées. Pour limiter les abus, des garde-fous réglementaires existent déjà. A titre d’exemple, les demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour du somnifère zolpidem en comprimé effervescent et pour lormétazépam (hypnotique sédatif) en gouttes buvables n’ont pas abouti, détaille l’ANSM, interrogée par l’AFP. Une modification d’AMM visant à demander le retrait d’un colorant d’une benzodiazépine a également été refusée en 2022. Une ordonnance sécurisée va aussi s’appliquer au 1er mars pour la délivrance d’opioïdes.
« Ce n’est pas un colorant ni un amérisant qui va faire barrage au crime », admet Leïla Chaouachi. « Ce sont des mesures de réduction des risques », complète l’experte et « le médicament aussi réglementé qu’il puisse être, quels que soient les verrous en place, reste à portée de main dans l’armoire à pharmacie familiale ».