Dans le tumulte des urgences qui s’entrechoquent depuis l’annonce surprise de la dissolution de l’Assemblée nationale, il est indispensable de s’arrêter un instant sur les enseignements constitutionnels qui peuvent d’ores et déjà en être tirés. Ainsi, quelle que soit l’issue du scrutin des législatives à venir et le scénario politique qui en découlera, un constat implacable apparaît : la Ve République se meurt de son accoutumance à la culture présidentialiste.

La culture présidentialiste est une composante de la culture constitutionnelle française, articulée autour de deux éléments essentiels : un attachement à l’incarnation personnelle de l’exercice du pouvoir par un chef d’état puissant ; un cadre de pensée par lequel l’ensemble du système politique, partisan et médiatique se construit et est analysé.

Héritage monarchiste, bonapartiste puis gaulliste, la culture présidentialiste peut se prévaloir de fondements solides sous la Ve République. L’institution présidentielle, dotée de compétences nombreuses et d’une légitimité populaire, est évidemment incontournable. Dès lors, rien d’étonnant à ce que les partis politiques, le système médiatique et les électeurs perçoivent l’élection présidentielle comme structurante.

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Cependant, ce système pyramidal déséquilibré, où le Président est censé trancher n’importe quelle question, est littéralement à bout de souffle. La confiance et l’espérance placées un soir de mai en une personnalité providentielle sont disproportionnées et suscitent irrémédiablement une déception qui, au fil de l’accélération du temps politique notamment sous l’effet du quinquennat, s’est transformée en colère et en dépit, que ce soit dans la rue ou dans les urnes.

La culture présidentialiste a bénéficié du sceau de l’efficacité

La croyance dans la surpuissance d’une seule personne relève d’un mythe, certes fondé sur d’illustres références historiques mais désormais inadapté à la complexité de l’exercice du pouvoir et à la pluralité de la fabrique de la volonté générale. Il est d’ailleurs révélateur que le système français soit un cas à part qui ne se retrouve que rarement en Europe ou dans le monde, excepté si l’on opère des comparaisons peu flatteuses avec les régimes autoritaires non démocratiques.

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La culture présidentialiste à la française explique également que les mécanismes de responsabilité politique des membres du gouvernement soient délaissés, alors qu’ils sont au fondement même de la séparation des pouvoirs. Des mises en causes pénales, la plupart du temps injustifiées sur le plan juridique, s’y substituent, créant ainsi une confusion supplémentaire dans l’esprit des citoyens. Plus récemment, le présidentialisme a permis à son bénéficiaire actuel de nouer une alliance éphémère avec Les Républicains (LR) pour obtenir le vote de la loi immigration début 2024, tout en dénonçant dans la foulée l’inconstitutionnalité des dispositions ajoutées et en obtenant leur censure devant le Conseil constitutionnel.

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