Le président russe Vladimir Poutine multiplie les campagnes de recrutement sur son propre sol.
Pour convaincre ceux qui hésitent, il vient de doubler le salaire des soldats et la mairie de Moscou ajoute même une prime.
Reportage de nos envoyés spéciaux Jérôme Garro et Michaël Merle.

Suivez la couverture complète

Guerre en Ukraine : un conflit sans fin

Dans les profondeurs de Moscou , à quelque 70 mètres de profondeur, sept millions de voyageurs transitent chaque jour. Le métro moscovite, c’est le dernier endroit investi par l’armée russe pour chercher des recrues. Des annonces défilent en boucle sur les panneaux publicitaires et des bureaux d’informations éphémères sont installés ici et là. Même au moment d’acheter son ticket de métro, sur toutes les bornes, une publicité pour s’enrôler sous les drapeaux s’affiche. Et c’est la même chose à la surface.

« Pas une somme incroyable compte tenu du danger »

Pour convaincre ceux qui hésitent, Vladimir Poutine vient de doubler le salaire et la mairie de Moscou ajoute une prime. Au total, un nouvel engagé se voit promettre au minimum, pour un an, l’équivalent de 52.000 euros. Soit plus de six fois le salaire moyen en Russie. « C’est bien, mais ce n’est pas une somme incroyable compte tenu du danger. Vous pouvez me proposer n’importe quelle somme, je n’irai à aucun prix« , déclare un jeune russe, dans la vidéo du JT de TF1, à voir en tête de cet article.  « 5 millions [de roubles]pour signer un contrat ? Je pense que je n’irai pas, mais j’ai mes raisons« , rétorque un autre.

À la question de savoir si son fils accepterait de signer un contrat, une mère de famille n’hésite pas. « Bien sûr, il faut défendre la patrie. Et le salaire qu’on vous donne dans l’armée, on ne le trouve pas ailleurs« , fait valoir une femme russe interrogée dans la rue. Ces jeunes citadins qui refusent de s’engager sont désormais visés dans les dernières publicités de l’armée russe. En creux, la propagande proclame : « Soyez de vrais hommes ! ». Deux ans et demi après avoir lancé l’invasion de l’Ukraine, la Russie a besoin de toujours plus de soldats. Le correspondant de TF1 à Moscou, Jérôme Garro, s’est rendu dans les régions où Moscou puise ses recrues.

Ce n’est pas le salaire qui m’a convaincu, c’est le patriotisme. L’argent, c’est un bonus

Un jeune habitant de la Bashikirie

Direction l’Oural, aux portes de la Sibérie . Nous voici à 1500 kilomètres de la capitale russe, en Bachkirie, une république où vivent les Bachkirs, une minorité nationale très présente dans les rangs de l’armée russe. Dans les rues, beaucoup d’hommes continuent de se balader habillés en treillis. Ce sont des anciens combattants. Il y en a beaucoup ici. Nous avons rendez-vous dans un gymnase où viennent s’entraîner de jeunes Bachkirs. Ils ont entre 20 et 24 ans et souhaitent s’engager. Pas seulement pour l’argent, disent-ils, même s’ils ne se font aucune illusion sur les dangers de la guerre. 

Je vais re-signer avec l’armée. La patrie, il faut la protéger

Un ancien soldat russe

« Ce n’est pas le salaire qui m’a convaincu, c’est le patriotisme . L’argent, c’est un bonus. En général, les gens l’utilisent pour acheter la maison, la voiture ou pour l’éducation des enfants« , explique l’un d’eux. « C’est une très belle somme, mais je pense que la vie vaut beaucoup plus que ça. C’est trop tôt pour penser à ce que je ferai de cet argent. Il faut d’abord revenir, il faut d’abord survivre, sortir de là-bas, et alors seulement, on peut y penser« , soutient un autre. Entre patriotisme et résignation, les primes de l’armée sont ici un peu plus faibles qu’à Moscou, mais restent considérables. 

Dans ces villages, les jeunes en quête d’un meilleur salaire vont d’habitude à l’usine sidérurgique de la région voisine. Parmi les ouvriers présents ce matin, Azat, un ancien soldat qui revient du front en Ukraine où il a été blessé. Le jeune compte y retourner. « C’est difficile le travail à l’usine, mais c’est quand même beaucoup plus facile qu’à la guerre. Je vais re-signer avec l’armée. La patrie, il faut la protéger. Je trouve que le solde est bon, mais ce n’est pas suffisant pour se soigner en rentrant », déclare le jeune homme devant notre caméra. Point commun entre tous ces hommes qui s’engagent, la conviction que c’est leur pays qui est attaqué par l’Occident.

Toujours dans cette Russie profonde, un ancien combattant du groupe Wagner accepte de nous rencontrer. La milice privée accusée d’exaction en Ukraine par l’Union européenne a été dissoute il y a un an. Mais Vladimir dit aussi vouloir repartir sur le front par patriotisme. Et chez lui, tout est déjà prêt. « Mes camarades m’ont donné un coup de main pour trouver un bon équipement. Ça, c’est un excellent gilet pare-balles. Les plaques sont très solides« , déclare le jeune homme. Les primes de l’armée, dit-il, ne seraient pas si intéressantes, car finalement dépensées sur le front pour s’acheter de l’équipement de qualité. 

« Quand le premier salaire va tomber, on peut te demander de le sacrifier. Le commandant dit : ‘les gars, il faut acheter ça et ça. Alors, on récolte l’argent et on le dépose dans une caisse commune. Si on a besoin de quelque chose, même des chaussettes, on achète pour tout le monde. Pareil s’il faut acheter du carburant ou un bon système anti-drone. Grâce à la vente d’hydrocarbures, l’État va continuer de déverser cet argent pour recruter. En juillet dernier, la Banque mondiale a même placé la Russie dans les pays à revenus élevés. Selon les autorités, près de 200.000 volontaires ont été enrôlés dans l’armée les six premiers mois de cette année.


La rédaction de TF1info | Reportage : Jérôme Garro, Michael Merle

Partager
Exit mobile version