Passer une nuit au siège du journal Le Monde. Vous en rêvez ? Nuit Orange l’a fait. L’espace d’une heure, des personnages sortis de contes de fées se succèdent. Imaginé par ce collectif artistique du 13e arrondissement, le spectacle porte un objectif simple : imaginer la prochaine « Une » du Monde.
Après six mois d’échange avec les journalistes du Monde et des participations à la conférence de rédaction, les comédiens ont été en contact étroit avec le média. « Ce fut un projet de recherche mené en partenariat avec le journal », raconte Léna Allibert-My, membre du collectif. L’objectif : apprendre le vocabulaire de la presse, observer le métier et comprendre ses rouages. Un travail de longue haleine pour le collectif qui, en parallèle, présentait cinq spectacles au festival d’Avignon cet été.
En ce début de nuit, tout commence dans le hall silencieux de la rédaction. Soudain, une femme vêtue d’une robe blanche apparaît. « C’est la une ! Il faut la choper ! », crie un homme en dévalant les escaliers. Longs cheveux bouclés, cravate bariolée : c’est Lapin, le chef d’édition fictif et guide de l’aventure. Son débit de paroles est d’une rapidité stupéfiante. Comme dans Alice aux pays des merveilles, de Lewis Carroll, ce Lapin est pressé. Il est 19 heures. Nous avons une heure pour boucler la une.
« Jargon journalistique »
La déambulation se poursuit à travers les longs couloirs de la rédaction. Dans les vastes open spaces, les journaux traînent et les livres s’entassent. « Bienvenue au service des archives ! », nous interpelle un comédien à lunettes, débraillé. Il met en place quelques spots lumineux, lance une musique électronique. Le petit spectacle peut commencer. Dans la salle sombre, l’archiviste fantasque convoque les unes emblématiques du journal. Une tenue de camouflage pour évoquer la capitulation allemande de 1945, un maillot de football pour la Coupe du monde de 1998, un masque chirurgical pour la pandémie de la Covid-19.
« J’ai un sujet ! », crie une comédienne en courant dans les couloirs du cinquième étage, comme lancée dans une « chasse aux sujets ». Une façon de faire comprendre qu’un bon article est le fruit d’un travail acharné : trouver le sujet, le confronter et le creuser. Une canne à pêche sert ici à illustrer la ligne éditoriale d’un journal. Un chapeau melon permet de parler du « chapô », le texte introductif d’un article.
« On ne se rend plus compte à quel point les mots sont amusants dans le jargon journalistique », s’amuse Edouard Dossetto, un autre membre du collectif. Dans cette épopée comico-poétique, la grande reporter sera-t-elle à la hauteur des rigoureuses exigences de son rédacteur en chef ? Bonne nouvelle, son sujet fera finalement la « Une ».
Le voyage théâtral se termine là où tout a commencé : sur le bureau d’Hubert Beuve-Méry, le fondateur du quotidien, qui trône dans l’escalier du bâtiment. C’est la fin de ce tour du Monde. Avec poésie et humour, Nuit Orange a réussi à faire percevoir toute la complexité du travail journalistique au sein d’une rédaction. Un format créatif stimulant qui permet « d’amener le théâtre partout », selon Léna Allibert-My, qui aimerait convaincre les moins habitués de venir oser assister à un spectacle en salle.
Cet événement se déroule dans le cadre du Festival du Monde, qui a pour partenaires Axa, partenaire principal, l’Agence de la transition écologique, Leboncoin, Spotify, Vins de Bordeaux et le soutien de la mairie du 13e arrondissement de Paris, de la Paris Design Week et de l’Institut français de la mode. Pour y participer, suivez ce lien.