Dans quel délai un professionnel, attaqué par son client en réparation d’une faute, mais ne s’estimant que partiellement responsable du dommage que celui-ci lui impute, peut-il agir contre un autre professionnel ? Cette question a été soumise, le 21 juin, à la chambre mixte de la Cour de cassation, composée des trois chambres civiles et de la chambre commerciale, lors d’une audience filmée.

L’affaire qui la soulevait est la suivante : en 2000, M. X lègue la quotité disponible de ses biens à sa compagne, Mme Y ; en 2004, il épouse cette dernière. En janvier 2006, il décède. Le 5 juillet 2006, le notaire, Me N, dresse un acte de notoriété aux termes duquel Mme Y reçoit le quart des biens en pleine propriété, et les trois enfants de M. X, les trois autres quarts.

Le notaire s’abstient d’informer sa cliente qu’il existe alors, dans le silence de la loi du 3 décembre 2001, une incertitude juridique sur ses droits, et il ne consultera un centre de recherches, d’information et de documentation notariales (Cridon) qu’en avril 2008.

Chronique | Article réservé à nos abonnés Quand l’époux subordonne sa donation à une clause de non-divorce

Ce Cridon l’informe alors que, le 25 septembre 2006 (06-000.09), la Cour de cassation, interrogée par un tribunal sur l’interprétation qui doit être faite de la loi, a répondu que le conjoint survivant peut « cumuler » les droits successoraux légaux et « une libéralité consentie en application de l’article 1094-1 du code civil ». Soit, en l’occurrence, opter pour le quart des biens en pleine propriété et l’usufruit des trois quarts. Dès qu’elle l’apprend, Mme Y demande à bénéficier de cette option, mais ses beaux-enfants s’y opposent, parce qu’elle a, entre-temps, signé avec eux, sur le conseil de son avocate, Me A, une convention qui reprend l’acte notarié.

2 millions d’euros

Mme Y saisit la justice, et se voit déboutée par le tribunal de grande instance de Dax (Landes), le 3 février 2010. Le 12 avril 2010, elle assigne le notaire, afin qu’il l’indemnise des conséquences de sa faute. Le tribunal sursoit à statuer dans l’attente de la confirmation du jugement de la première affaire (arrêt d’appel, le 19 janvier 2011, arrêt de cassation, le 11 mai 2012, 11-12.306).

Le 5 mai 2015, le tribunal de grande instance de Bordeaux condamne le notaire à payer à Mme Y 886 000 euros, une somme que la cour d’appel de Poitiers porte, le 21 septembre 2016, à 2 millions d’euros, soit 75 % du préjudice subi, au titre des « pertes de chance de choisir une meilleure option successorale et d’éviter des frais de procédure dans l’affaire ayant opposé Mme Y à ses beaux-enfants ».

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