« La régalade ! » et cinq étoiles sur cinq pour ce restaurant du centre-ville de Tours. « Secrétaire au téléphone très désagréable et hautaine » pour ce médecin généraliste d’Issoire (Puy-de-Dôme), assorti d’une unique étoile. Présents sur tous les types d’établissements accueillant du public (même les mairies et les tribunaux) et agrégés en notes globales, les avis publiés sur Google Maps, lancé il y a tout juste vingt ans, influencent nos choix au quotidien.
Pourtant, certains n’ont pas été rédigés par de véritables clients ou usagers. Ainsi, en 2021, la société Bistrobis a été sanctionnée au pénal par une amende transactionnelle de 30 000 euros, après avoir acheté et mis en ligne de faux avis dithyrambiques de consommateurs sur les pages Google et TripAdvisor de brasseries dont elle assurait la promotion. Les propriétaires d’établissements peuvent aussi commanditer la publication d’avis négatifs sur leurs concurrents dans le but de nuire à leur réputation en ligne.
« Score global de suspicion »
Ce sont ces commentaires falsifiés que traque, depuis septembre 2023, l’outil Polygraphe, utilisé par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Développé par cette administration sous tutelle du ministère de l’économie et des finances, ce traitement de données a été autorisé par un décret en Conseil d’Etat paru le 1er juin 2023, pour une durée expérimentale de trois ans. Il passe aujourd’hui au peigne fin deux plateformes, Google Maps et TripAdvisor, à la recherche d’avis suspects.
Polygraphe aspire à grande échelle les données relatives aux pages de professionnels ainsi que celles de chaque utilisateur ayant publié un avis. Ces informations sont ensuite analysées selon plusieurs « indicateurs de suspicion », à propos desquels la DGCCRF ne communique pas – l’administration n’a pas donné suite aux demandes d’interview du Monde –, et agrégées. Chaque professionnel se voit ensuite attribuer un « score global de suspicion », comme l’explique la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) dans un avis non contraignant rendu sur l’outil, en décembre 2022.
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