L’UGC Normandie, sur les Champs-Elysées.

Tels des dominos, les salles de cinéma ferment les unes après les autres sur les Champs-Elysées, à Paris. Après l’UGC George-V, en 2020, et le Gaumont Marignan, fin 2023, l’UGC Normandie, situé au 116 bis de l’avenue, a programmé ses dernières projections le 13 juin. La baisse de la fréquentation de plus d’un tiers en dix ans et la hausse des loyers sur cette artère commerciale, la cinquième plus chère du monde, auront eu raison de cette salle.

Le groupe UGC a négocié en vain une baisse du loyer de l’immeuble, propriété du fonds souverain de l’émirat du Qatar depuis 2012. Pour clore cette ­histoire de quatre-vingt-sept ans de cinéma, le groupe projette des classiques. Le 1er mai, pour la séance de 2001 : l’Odyssée de l’espace, les 862 fauteuils clubs de la salle Grand Normandie ont été presque tous réservés. Pour la première fois depuis des décennies.

Le 4 février 1937, ils sont plus de deux mille à affluer, malgré la pluie, à l’inauguration du Normandie. La presse d’alors ne tarit pas de superlatifs pour décrire « la plus belle salle du monde », gérée par Albert Thierry et Georges Macé, propriétaires d’autres cinémas parisiens. Avec ses 45 mètres de longueur et 37 de largeur, sa longue galerie d’entrée toute en néons et lumières, ses deux mille places assises, sa scène et sa fosse d’orchestre, la démesure du Normandie est à l’image du transatlantique français dont il tire son nom.

Instrument de propagande

Aménagé par le couple d’architectes Adrienne Gorska et Pierre de Montaut, ce cinéma-music-hall projette des films en première exclusivité précédés de plus d’une heure de spectacle dont la programmation est assurée par Pierre Sandrini, le directeur artistique du Moulin-Rouge. Et le Tout-Paris va au Normandie comme on va au bal, pour voir et être vu.

En 1940, les gérants doivent céder la salle à la Société de gestion et d’exploitation du cinéma, financée par des capitaux allemands et dirigée par Alfred Greven, proche du dirigeant nazi Joseph Goebbels. Sous l’Occupation, le Rex et le Marignan, les deux autres salles de première exclusivité parisiennes, deviennent des Soldatenkino, réservés aux soldats allemands et à leurs invités.

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Au Normandie, la programmation, exclusivement allemande ou produite par la Continental Films, propriété d’Alfred Greven, est précédée des actualités de propagande accueillies par des sifflements. Ces actes, immédiatement dénoncés, sont à l’origine de fermetures répétées du lieu. Le 29 août 1944, c’est au Normandie que le Comité de libération du cinéma français projettera devant une salle comble le documentaire La Libération de Paris, tourné clandestinement entre le 16 et le 26 août.

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