Le Conseil constitutionnel a barré la route à une mesure technologique controversée de la loi dite « narcotrafic », dans sa décision rendue le 12 juin. S’il a validé l’essentiel du texte, il a néanmoins censuré l’extension des « boîtes noires », une technique de surveillance de masse questionnée à plusieurs reprises depuis sa création.
Derrière le surnom de « boîtes noires », il y a une méthode qui consiste à demander à un algorithme de chercher, au sein des données téléphoniques et de connexion Internet passant par les opérateurs français, des comportements ou mots-clés suspects – comme la connexion à telles adresses IP ou des appels répétés à tel numéro de téléphone.
Ce dispositif, né en 2015 et à l’origine réservé exclusivement à la lutte contre le terrorisme, avait déjà été étendu en 2024 à la lutte contre les ingérences étrangères. La loi visant à « sortir la France du piège du narcotrafic » devait à son tour permettre l’utilisation de cette technique de renseignement à des fins de lutte contre la criminalité et la délinquance organisées.
Atteinte disproportionnée
Ce nouvel élargissement a néanmoins fait l’objet d’une saisine de la part plusieurs députés, qui estimaient que ce dispositif représentait une atteinte disproportionnée à la vie privée.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel estime effectivement qu’en autorisant « de manière générale et indifférenciée, sur l’ensemble des données transitant par les réseaux des opérateurs de communications électroniques, le recours à de tels traitements algorithmiques » pour lutter contre le crime organisé, le législateur n’a « pas assuré une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de prévention des infractions et le droit au respect de la vie privée ».
Le Conseil constitutionnel est revenu au passage sur une précédente modification des « boîtes noires ». En 2021, une loi renseignements avait ainsi permis au dispositif de l’algorithme d’aspirer des données supplémentaires, en l’occurrence les « adresses complètes de ressources utilisées sur Internet », ce qui peut désigner, par exemple, les URL complètes des pages visitées par les internautes. Un dispositif dont la faisabilité technique est incertaine.
Là encore, le Conseil constitutionnel a censuré ce passage de la loi, estimant que cet élargissement pouvait porter atteinte de façon disproportionnée à la vie privée.