Sylvie Tordjman enclenche la marche arrière, recule, et voilà son camion blanc garé sur les hauteurs du quartier de Ménilmontant, à Paris. Juste au pied de l’immeuble où Emma (les prénoms des enfants et des adolescents ont été modifiés), 19 ans, est hébergée en semi-autonomie dans un appartement de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Il est 9 h 45 en ce matin de mars, et la pédopsychiatre est à l’heure à leur rendez-vous.

Après quinze minutes d’attente, la jeune femme finit par arriver, un masque sur la bouche et vêtue d’un sweat ultra-large qui dissimule son corps frêle. Elle grimpe à l’arrière du véhicule aménagé en espace de consultation. « Bonjour Emma. Vous pouvez vous asseoir où vous voulez. Est-ce que ça vous va si, moi, je me mets là ? », l’accueille avec chaleur et précaution la médecin. Est-ce qu’une viennoiserie lui ferait plaisir ? Emma met de côté un pain au chocolat dont elle ferme méticuleusement le sachet.

C’est la quatrième fois depuis février que Sylvie Tordjman rencontre la jeune femme, qui ne sort quasiment plus de sa chambre et ne laisse personne y entrer. Aujourd’hui, elle lui présente Irène Chavez, art-thérapeute assise à ses côtés, qui va animer l’atelier dont elle lui avait parlé lors d’un précédent rendez-vous. « Etes-vous toujours partante pour y participer ? » Emma s’inquiète de savoir qui pourra regarder ses peintures. « Personne », si elle ne le souhaite pas. Alors, « oui », dit-elle à voix basse, elle aimerait bien venir. Mais « non », elle ne veut pas baisser son masque, même très rapidement, cela la « gêne » que l’on voie son visage.

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