La revue des revues. Le succès d’Audimat, revue de critique et de théorie musicale, avait déjà permis à ses animateurs de se constituer en maison d’édition et de lancer la revue Habitante, qui déclinait une approche similaire du côté de l’architecture. Depuis 2022, une petite sœur a rejoint la fratrie. Elle s’appelle Tèque et souhaite pour sa part « explorer la vie des technologies et leur impact sur nos vies à travers des essais sensibles et érudits ».

Une à deux fois par an, ses rédacteurs en chef, Loup Cellard et Guillaume Heuguet – l’un docteur en études interdisciplinaires, l’autre en sémiotique des médias – livrent avec Tèque une revue en forme de petite anthologie de textes critiques, pour la plupart traduits de l’anglais, éclairant sous un jour nouveau les idées, les pratiques, les acteurs et les infrastructures qui animent le vaste monde numérique.

Avec ce quatrième numéro, daté d’avril, Tèque semble d’ailleurs en pleine poussée de croissance : un nouveau format, une nouvelle maquette, et un sommaire étoffé sont mis au service de cette somme consacrée aux idéologies qui s’épanouissent dans la Silicon Valley. Cette région, qui s’étend de San Francisco à San José, « centre de gravité de l’économie numérique mondiale », comme le rappelle l’article introductif, est en effet souvent présentée comme le foyer d’une « idéologie californienne ».

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C’est une sorte de « mix entre les idées antiautoritaires (libérales au sens américain) et le libéralisme économique de droite (la dérégulation active des échanges marchands) », portée par d’anciens hackeurs et étudiants libertaires issus de la contre-culture et convertis au capitalisme. A y regarder de plus près, pourtant, les choses semblent à la fois plus complexes et plus préoccupantes.

Esquisser de nouvelles lignes de force

Les essais regroupés dans ce volume le montrent en prenant souvent un angle inattendu ou inexploré. Ainsi l’universitaire américain Fred Turner choisit-il, dans un chapitre sélectionné par la revue, d’analyser les cultures du prototype et du design thinking (« pensée design ») qui règnent sur la Silicon Valley depuis les années 1990, pour mieux révéler la façon dont celles-ci plongent leurs racines dans la téléologie puritaine protestante.

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De son côté, le sociologue Fabien Foureault brosse le portrait des « nouvelles élites numériques », en particulier des investisseurs en capital-risque, pour montrer les liens étroits qui les unissent… aux élites traditionnelles bourgeoises et aux grands groupes financiers ou industriels.

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