Comment transmettre la connaissance des « sales périodes » de notre histoire ? Après l’immense travail sur la France de Vichy amorcé dans les années 1970 et toujours en cours, après l’« opération vérité » sur la guerre d’Algérie développée depuis les années 1990 et qui se poursuit dans la douleur, la mise au jour des réalités coloniales dans l’ex-Empire français est à l’ordre du jour, dynamisée par la dénonciation du pesant legs de cette histoire sur la société française. Du massacre des tirailleurs africains sur ordre de gradés français à Thiaroye (Sénégal) en 1944 à celui, massif, des indépendantistes camerounais dans les années 1950, en passant par la répression du soulèvement de Madagascar en 1947, bien des épisodes tragiques longtemps occultés restent à inscrire dans l’enseignement et dans la mémoire commune.

Lire la chronique | Article réservé à nos abonnés « De façon pathétique, la France freine un mouvement de restitutions d’œuvres à l’Afrique qu’elle a lancé et qui est inéluctable »

Il ne s’agit pas seulement de « faire le ménage » dans les recoins honteux de notre histoire, mais de répondre aux exigences des générations nouvelles que ce passé, et les préjugés et attitudes politiques qu’il nous a légués, indigne à juste titre.

Dans ce vaste et salutaire mouvement, la question du sort des objets africains conservés dans les musées occidentaux et des signes (statues, noms de rue…) célébrant cette histoire, autrefois glorieuse et aujourd’hui honteuse, focalise bien des passions. Autour de leur restitution aux Etats africains pour les premiers, de leur suppression pour les seconds.

Dans un essai vif et subtil publié sous le titre Toutes les époques sont dégueulasses (Verdier, 80 pages, 7,50 euros), l’historienne Laure Murat remet de l’ordre dans le fourre-tout de la « cancel culture » : « De même que je crois qu’il est souhaitable de déboulonner certaines statues de leur socle (au sens propre) dans l’espace public, je suis très opposée à leur destruction. Car éliminer ce qui gêne aujourd’hui au motif que cela nous offense, c’est priver les opprimés de l’histoire de leur oppression. » Après avoir enseigné en Californie, l’autrice a choisi de rentrer en France après la réélection de Donald Trump à la Maison Blanche, dont elle souligne l’inquiétante politique de « censure d’Etat », autrement dit d’effacement de milliers de livres et sujets d’études, véritable « cancel culture » en action.

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