Le titre-restaurant devra-t-il être rebaptisé chèque chariot ou ticket alimentation ? C’est l’un des grands enjeux de la réforme qu’Olivia Grégoire, la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation, s’apprête à lancer, avec pour objectif l’examen au Parlement d’un projet de loi à la rentrée.

Officiellement, la large consultation menée depuis des mois par la ministre et son cabinet est achevée. Mais, dans les arrière-cuisines de Bercy, les discussions se poursuivent sous haute tension : car, finalement, qu’y a-t-il de plus politique que la pause déjeuner des Français ? Quelque 5,4 millions de chanceux achètent leur steak-frites, leur sandwich et autres grâce à des titres-restaurant mis à leur disposition par leur employeur : l’entreprise ou la collectivité locale financent ce moyen de paiement à hauteur de 50 % à 60 %, le solde étant à la charge des salariés. L’Etat, lui, contribue à travers 1,5 milliard d’euros d’exonérations fiscales.

Ce marché est en pleine expansion. Selon la commission nationale des titres-restaurant (CNTR), l’administration qui coordonne ce dispositif créé en 1967, les Ticket Restaurant, chèques UpDéjeuner ou Pluxee émis en 2023 ont représenté une valeur totale de 9,4 milliards d’euros, contre 6,8 milliards en 2018. Mais, autour de la table, les relations sont tendues. Il y a l’exaspération des restaurateurs, qui se battent à la fois pour empêcher la grande distribution de rafler la mise et pour obtenir une limitation des commissions facturées par les émetteurs de titres-restaurant. La morgue des quatre acteurs historiques, Edenred, Natixis-Swile, Pluxee (ex-Sodexo) et groupe Up, condamnés pour entente en 2019, qui font front pour préserver leurs marges plantureuses. Et la frustration des jeunes pousses, une dizaine, qui se rêvaient en Uber du chèque repas, mais captent péniblement 1 % du marché.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Règlements de compte en vue pour les émetteurs de titres-restaurant

De là à ce que les esprits s’échauffent… Le 18 avril, à l’issue de la dernière table ronde organisée par Bercy, un dirigeant d’un émetteur historique a pris à partie un start-upeur, en présence de plusieurs témoins : « Cela fait soixante ans qu’on fait ce métier et ce n’est pas un mec comme toi qui va nous faire la leçon », « Fais gaffe, on va s’occuper de toi », aurait-il proféré, adoptant une « posture agressive », selon une plainte pour « menaces de violences volontaires » déposée auprès du tribunal judiciaire de Paris.

Quelle est l’origine de ces crispations. Tout commence par un rendez-vous manqué. Celui de la dématérialisation, autrement dit la suppression progressive des titres en papier – qui représentent toujours 30 % des paiements – au profit de la carte bancaire ou des applications sur le téléphone.

Il vous reste 69.58% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version