La guerre déclenchée il y a un an, à la suite de l’attaque du 7-Octobre, constitue une rupture majeure, mais témoigne de continuités notables dans les dispositifs israéliens mis en place pour gérer une conflictualité dans la durée. Toutes les strates de la population civile ont été indistinctement ciblées, de même que l’ensemble des infrastructures (maisons, hôpitaux, écoles, réseau électrique, d’eau, etc.), les lieux de culte et le patrimoine historique et culturel. Pour les Gazaouis, dont 90 % ont été déplacés, c’est une nouvelle Nakba [terme signifiant « catastrophe », et qui désigne le déplacement forcé de 700 000 Palestiniens lors de la création de l’Etat d’Israël en 1948]. Cet effacement des personnes, des lieux, du passé, les effets traumatiques sur des générations et le désastre écologique constituent un « futuricide », quand tout ce qui permet d’envisager un avenir à Gaza a été visé.

On dénombre presque 42 000 morts et 100 000 blessés, mais d’autres personnes sont mortes en raison du blocus de l’aide humanitaire, de la nourriture, des biens et du matériel médical. L’interpellation de la Cour internationale de justice face au risque de génocide est restée sans effet. Alors que toute solution politique est récusée par les gouvernements israéliens depuis la seconde Intifada (2000-2005) au profit d’un management de la conflictualité appuyé sur ce que le sociologue Uri Ben-Eliezer appelle « l’hégémonie de la solution militaire », Nétanyahou rejette tout accord et réitère son refus ancien d’un Etat palestinien.

Une gestion infrastructurelle militarisée durable de Gaza est en revanche mise en œuvre, s’apparentant aux dispositifs présents en Cisjordanie, tout en maintenant la fiction de négociations, comme cela a été le cas avec l’Autorité palestinienne précédemment. On constate ainsi une homogénéisation de ces dispositifs, alors même que la répression militaire s’intensifie en Cisjordanie, qu’elle s’accompagne de destructions massives des infrastructures dans le nord depuis le lancement en août de l’opération « Camps d’été », destinée à démanteler les groupes armés formés depuis 2021 dont l’action localisée entend défendre des espaces étouffés par l’avancée des colons qui, de surcroît, commencent, ici aussi, à déplacer la population.

Politique d’incarcération massive

Après la seconde Intifada, un régime de mobilité a été mis en place pour gérer des circulations entre ce que l’armée a nommé des « cellules territoriales », des micro-zones, au sein d’un espace strié. Deux types de systèmes de contrôle ont été projetés à l’intérieur même de la Cisjordanie : des dispositifs territoriaux déployés de l’autre côté du mur, tels que des checkpoints fixes ou volants ; et des dispositifs non territoriaux très structurants ont été amplifiés, tels que le système de permis pour entrer en Israël ou dans les colonies et le renouvellement d’une politique d’incarcération massive qui a déployé une véritable toile carcérale. Gaza, devenue « territoire ennemi », a constitué une de ces cellules territoriales, actant ainsi une gestion à part.

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