La mort de Raphaël Graven, alias Jean Pormanove (« JP »), en direct sur la plateforme Kick est un drame. Elle pourrait aussi être un électrochoc par la sidération collective et l’effroi qu’elle génère face à cet univers de violence normalisée. Il s’agit aussi du révélateur d’un nouveau business créé par l’écosystème sur lequel prospèrent des réseaux sociaux, celui d’une économie du sordide.

Ce qu’a vécu « JP » pendant des centaines d’heures de direct était pour beaucoup inimaginable : mise en scène d’humiliations répétées, sévices, jets de fluides, violences psychologiques…

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Le supposé consentement brandi par certains pour tenter de rendre acceptables ces images doit nous alerter : lorsqu’un individu est fragilisé et sous une emprise – psychologique ou financière – qui s’apparente à une dérive sectaire, lorsqu’il est manifestement piégé dans une mécanique qui le dépasse, ce consentement n’est aucunement libre et encore moins éclairé. La dignité humaine est un droit fondamental. Aucune promesse de revenus, de visibilité sur les réseaux sociaux ou de notoriété ne devrait permettre d’y déroger.

Une défaillance de l’action publique

Plus vertigineux encore, ce système a été alimenté par une audience de dizaines de milliers d’internautes fascinés par ce spectacle violent, prêts à payer pour voir toujours plus. Chaque coup, chaque insulte étaient encouragés par des dons, des abonnements, des « tips » [pourboires]. Des spectateurs se sont faits complices, achetant une part de cette violence et la provoquant donc.

Et tout cela a été rendu possible par une plateforme sans garde-fous véritables. Kick a bâti son succès sur l’absence de modération, d’abord sur les jeux d’argent puis sur le trash, le « drama ». Il est évident que Kick ne pouvait ignorer le contenu du compte le plus suivi qu’elle hébergeait, comme en attestent d’ailleurs la communication douteuse de la plateforme et les mèmes de « JP » qu’elle osait, toute honte bue, relayer.

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