« C’est ici que j’ai trouvé la paix », lâche Zejnil Halilovic, planté devant la maison abandonnée de ses anciens voisins, une carcasse de béton progressivement mangée par la végétation et qui porte encore un trou béant laissé par un obus tombé il y a plus de trente ans. Cet ancien journaliste de 61 ans fait, en cette mi-juillet 2025, la visite de voisinage à Visegrad. Cette ville triste de l’est de la Bosnie-Herzégovine reste ravagée par les traces de la guerre qui a déchiré ce pays des Balkans entre 1992 et 1995.

Cet homme doux portant un polo et une sacoche marron est un des rares Bosniaques à avoir choisi de revenir habiter dans cette commune où furent commis certains des crimes de guerre contre sa communauté. Elle est aujourd’hui quasiment exclusivement peuplée de Serbes. « Ma maison était dans un état encore pire que celle-ci », explique-t-il. Il l’a progressivement reconstruite avec ses maigres économies. « Plus personne n’habite autour de chez moi, mais j’ai toujours eu la nostalgie de cette ville », explique-t-il, en regardant couler les eaux somptueuses de la rivière Drina.

Pendant la guerre, ce cours d’eau turquoise a été utilisé par les milices serbes pour se débarrasser des corps de leurs victimes bosniaques. Selon le Tribunal pénal pour l’ancienne Yougoslavie, ces milices ont massacré environ 3 000 habitants de culture musulmane à Visegrad, tandis que des milliers d’autres ont été forcés à l’exil. « Nous avons réussi, ma femme et moi, à nous cacher dans la forêt pendant plusieurs mois avant de nous enfuir à pied », se souvient Zejnil Halilovic, qui a eu la chance de ne perdre aucun proche direct dans ces massacres, et a ensuite vécu plusieurs années à Sarajevo, à cent kilomètres de là, avant de revenir vivre à Visegrad, en 2019.

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