Donald Trump est revenu au pouvoir, mais les Européens cherchent encore leurs mots. Les dossiers de l’Ukraine et du commerce international l’ont montré : Européens et Américains ne parlent pas le même langage. Les premiers conçoivent la politique comme une affaire de droit, de normes et de précédents. Pour Trump, c’est d’abord une affaire de deal. Non pas l’accord patiemment négocié selon des règles établies, mais la transaction immédiate, souvent improvisée, née d’un rapport de force et de l’instinct du moment.

Lorsque le président des Etats-Unis se heurte à une impasse, il ne cherche pas à la déconstruire. Il recule, bifurque et repart dans une autre direction. L’inconséquence qu’on lui reproche est en réalité une méthode : un pragmatisme radical, érigé en idéologie.

Ce pragmatisme prend la forme de décisions soudaines, inspirées par l’émotion ou par les images du jour. Gouverner ainsi, au gré des impressions, revient à transformer la politique en une succession de scènes sans fil conducteur. Voilà pourquoi Trump ressemble tant à un personnage de fiction – sauf qu’il évolue dans notre réalité.

Ce mode d’action déstabilise profondément les Européens. Depuis 1945, ceux-ci vivaient avec la conviction que l’Amérique resterait toujours une alliée bienveillante, garante ultime de leur sécurité et, par là même, de la viabilité du projet européen. Cette certitude vole en éclats lorsqu’une alliance dépend désormais de l’humeur d’un homme, susceptible de revenir sur ses positions du jour au lendemain. L’Amérique peut cesser soudain d’être l’amie qu’elle a été. Et ceux qui cherchent à infléchir ses choix découvrent, non sans malaise, que l’argument rationnel ou l’appel aux valeurs communes pèsent bien moins que la flatterie.

Face à cette rupture, l’Europe s’accroche désespérément à ses anciens cadres de pensée. Elle continue de croire qu’un ordre international fondé sur la prévisibilité, le droit et l’analyse suffit à comprendre l’Amérique et à conjurer l’imprévisible. Mais ce logiciel ne permet plus d’expliquer le monde tel qu’il est. Car l’Amérique de Trump a jeté aux oubliettes le manuel de la mondialisation, garant de la stabilité des décennies passées.

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