Ce jour de 2010, dans une salle de réception du siège de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), les services secrets français, à Paris, Jean-Marie Montier s’apprête à tirer le rideau sur trente-sept ans de maison. Peu d’invités le savent, ces civilités cachent un secret : l’ancien agent a été pendant des années marqué au fer rouge du pire soupçon qui soit pour un espion occidental, celui d’avoir pu être une taupe du KGB, les services de renseignement soviétique. Dans les archives du KGB remises aux Britanniques par le transfuge soviétique Vassili Mitrokhine figurent des informations laissant entendre que Montier aurait été approché (« développé » dans le jargon) par le KGB entre 1978 et 1980.

Le Monde a rencontré en juin 2024 celui que le KGB avait surnommé « Mouton ». Quand on l’informe du contenu des archives Mitrokhine, son visage se fige. Après quelques secondes de silence, il choisit de raconter sa vérité. Encore étudiant à la fin des années 1960, ce globe-trotteur enseigne le français et l’espagnol dans le Vermont, aux Etats-Unis. Puis il s’envole pour la Norvège avant d’effectuer son service militaire au Centre d’études et de langues étrangères militaires, à Paris. Il est sous les drapeaux lorsqu’un commissaire de la direction de la surveillance du territoire (DST) – le contre-espionnage français – lui suggère, au début des années 1970, de tenter le concours de commissaire. Il le rate, mais il réussit ensuite celui d’inspecteur et atterrit au commissariat de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). En 1973, il est admis au service de documentation extérieure et de contre-espionnage (Sdece), le service de renseignement extérieur.

Trois ans plus tard, le voici à Rio de Janeiro, au Brésil, où il opère trois ans sous couverture diplomatique comme vice-consul. Il est suivi de près par le KGB, qui en fait une cible. Dans le fonds Mitrokhine, une note du KGB donne une idée précise de la stratégie des services de renseignement soviétiques : « En 1978-1980, la tâche la plus importante est le recrutement d’agents du Sdece et de la DST (…), les services spéciaux français, pour obtenir des informations, perturber les plans et les projets de ces services, désorganiser leur travail. »

Il vous reste 67.23% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version