Un ex-rebelle syrien, jugé pour son rôle dans des exactions commises en Syrie entre 2013 et 2016, a été condamné mercredi 28 mai à dix ans de réclusion pour complicité de crime de guerre par la cour d’assises de Paris. Majdi Nema, ancien membre du groupe rebelle salafiste Jaych Al-Islam (JAI, Armée de l’islam), dont il a été le porte-parole, a été reconnu coupable de complicité du crime de guerre de conscription de mineurs âgés de 15 à 18 ans, et du délit de participation à une entente en vue de préparer des crimes de guerre.

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« On est soulagés », a déclaré après l’énoncé du verdict Me Marc Bailly, avocat de la Fédération internationale des droits humains (FIDH) et de plusieurs parties civiles syriennes. « Sont reconnus les crimes de Jaych Al-Islam et reconnue l’implication de Majdi Nema » dans le groupe rebelle, a-t-il affirmé. « Aujourd’hui la justice a d’abord été rendue pour les Syriens, c’est eux qui nous avaient saisis, c’est eux qui avaient saisi les autorités françaises pour qu’une enquête soit diligentée », a-t-il ajouté.

De son côté, Me Romain Ruiz, un des deux avocats de la défense, a estimé que la décision de la cour d’assises était « relativement incompréhensible ». « La question de l’appel se pose », a-t-il déclaré. Ce verdict « n’enlève rien à la conviction de Majdi Nema d’avoir œuvré à la révolution syrienne », a souligné le conseil, pour qui « un tri aurait dû être fait entre lui et JAI ».

Le ministère public avait requis une peine de dix ans de prison avec une peine de sûreté des deux tiers pour le délit de participation à une entente en vue de préparer des crimes de guerre, mais avait demandé son acquittement pour la complicité de crimes de guerre, reconnaissant que pour cet aspect, le dossier ne reposait que sur des « témoignages indirects » et des « renseignements anonymes », insuffisants pour « fonder une décision de condamnation ».

Absence de nombreux témoins durant le procès

Majdi Nema était jugé depuis le 29 avril en vertu de la compétence universelle de la justice française, qui permet à cette dernière, sous certaines conditions, de juger un étranger pour des crimes commis à l’étranger sur des étrangers. Il lui était notamment reproché d’avoir aidé à recruter et former à l’action armée des mineurs entre 2013 et 2016. Il n’a cessé de contester les accusations, tant pendant l’instruction qu’au procès. La cour d’assises l’a reconnu coupable de complicité pour la conscription de mineurs âgés de 15 à 18 ans. Elle a en revanche jugé qu’il n’était pas coupable de l’enrôlement de mineurs de moins de 15 ans.

Arrêté en janvier 2020 alors qu’il se trouvait en France pour un court séjour d’études à l’Institut de recherche sur le monde arabe et musulman de l’université Aix-Marseille, il est depuis incarcéré. Mercredi matin, lors de ses derniers mots avant la clôture des débats, il avait déclaré vouloir sortir de prison, reprendre ses études et « participer à la construction » de son pays, libéré du joug de Bachar Al-Assad depuis décembre dernier.

Le procès a été marqué par l’absence de nombreux témoins qui avaient été cités à la barre par les parties civiles ou le ministère public, certains craignant pour leur vie, d’autres n’ayant pu obtenir de visas. De même, aucun témoin cité par la défense − des personnes vivant en Syrie ou en Turquie − n’a été entendu.

Une situation dénoncée tout au long du procès par les avocats de Majdi Nema, qui n’ont eu de cesse de fustiger la tentation « ethnocentriste » et la logique « colonialiste » de la justice française dans ce dossier. Plaidant mardi son acquittement, ils ont par ailleurs critiqué une enquête menée à « rebours » et jugé que l’accusation avait « taillé un costume beaucoup trop grand » pour leur client.

Le Monde avec AFP

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