On n’en a jamais été aussi près ! Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2025, adressé au Parlement le 10 octobre après son adoption en conseil des ministres, comporte en son article 24 une amélioration notable des principes fondamentaux de l’antique loi de 1898 sur l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP).

Selon ce nouveau texte, leur réparation forfaitaire et automatique devrait désormais comprendre, outre la part traditionnelle du préjudice professionnel – perte de capacité de gains et incidence professionnelle – une part dite « fonctionnelle ». Celle-ci, appelée en droit commun « déficit fonctionnel permanent », ou DFP, comprend les atteintes physiologiques et psychologiques, les troubles dans les conditions de l’existence et les souffrances endurées. Si la part professionnelle est fonction du salaire, ce n’est pas le cas de la part fonctionnelle.

Dans le dispositif prévu par l’article 24 du PLFSS, la réparation forfaitaire et automatique, sans faute de l’employeur, reste le pivot du système. Mais le fait qu’une partie du DFP soit indemnisée en plus du préjudice professionnel constitue une réelle amélioration du sort des victimes.

Un moyen de contournement

Cette avancée significative est le résultat d’une jurisprudence obtenue de haute lutte par les victimes de l’amiante. Le 20 janvier 2023, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a estimé que la rente AT-MP versée aux victimes en cas de faute inexcusable de l’employeur (FIE) ne comprenait que la part professionnelle des préjudices et que, par conséquent, la part fonctionnelle devait être indemnisée en plus.

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L’application de cette décision a entraîné une augmentation conséquente du montant de l’indemnisation décidée par les pôles sociaux des tribunaux judiciaires. De son côté, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) a dû augmenter son budget des près de 50 millions d’euros pour intégrer cette évolution.

Le 15 mai de la même année, un accord national interprofessionnel (ANI) signé à l’unanimité des organisations syndicales a souhaité faire bénéficier de cette avancée judiciaire l’ensemble des victimes, et pas seulement celles engageant une procédure en faute inexcusable contre leur employeur. Mais cet accord, à la rédaction très ambiguë, a été plutôt perçu par les professionnels du droit de la réparation et par les associations de victimes comme un moyen de contourner la jurisprudence du 20 janvier 2023.

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L’affaire a pris un tour plus politique lorsque le gouvernement de l’époque a souhaité traduire cet accord dans la loi. L’article 39 du PLFSS 2024 a provoqué la colère des associations de victimes, car il était clair qu’il constituait un marché de dupes. Il n’améliorait qu’à la marge l’indemnisation forfaitaire et, pis, en cas de FIE, les victimes les plus gravement atteintes, comme le sont les malades de cancers professionnels en général et ceux dus à l’amiante en particulier, voyaient leur indemnisation notablement réduite par rapport à ce qu’elles étaient en droit d’obtenir après les arrêts du 20 janvier 2023. Inacceptable.

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